À la fin de l’année 2013, se réalisa au Honduras, un processus électoral frauduleux dans lequel la victoire du peuple fut volée par plusieurs sales manœuvres. Un camarade hondurien, militant marxiste du parti Liberté et Refondation (LIBRE), qui vécut en chair et os ces événements, nous montrera à travers cet article, les différentes manœuvres comme elles ont été vécues par la base du parti LIBRE et le peuple travailleur, ainsi que le rôle de frein qu’a joué la direction de LIBRE pour sa base-même.

 

Il y a seulement quelques semaines et quelques heures que le frauduleux processus électoral commença. Avant tout, j’aimerais clarifier une chose : la droite et la bourgeoisie ne laisseront jamais le pouvoir aussi facilement à une force regroupant les masses travailleuses honduriennes, le parti LIBRE, bras politique du Front National de Résistance Populaire (FNRP) qui surgit après le coup d’État et qui est aujourd’hui la principale force politique et sociale du Honduras. Ce mouvement a réussi, en quatre ans d’organisation seulement, à se structurer dans tous les secteurs et régions du pays.

Ceci doit nous servir de leçon aux militants du parti. Nous ne devons pas limiter nos efforts dans des processus électoralistes, et surtout pas calmer ou abandonner la mobilisation, ce qui fut d’ailleurs une grande erreur pour ce qui est de l’offensive initiale du front. Nous ne devons pas avoir la moindre confiance dans les institutions bourgeoisies qui représentent les intérêts des élites du pouvoir, tel le Tribunal Supremo Electoral (TSE). Ce fut également une grosse erreur que de signer un pacte dans lequel les résultats des élections frauduleuses seraient respectés et ceci même depuis le début. D’ailleurs à quelques jours des élections, un communiqué fut envoyé afin de soutenir les magistrats du tribunal.

Cette politique de pactes et « réconciliation nationale » puisse ses origines dans la signature des accords de Cartagena qui permit le retour de l’ex-président Manuel Zelaya. A cette époque, lorsque ces accords furent signés, la consigne aurait dû être de dépurer ce tribunal et changer les magistrats qui sont aujourd’hui les portes-paroles du candidat nationaliste ainsi que de la fraude et la farce électorale. Ce sont les mêmes qui consolident ce processus bourré d’irrégularités au fur et à mesure que les jours passent.

Trafic d’accréditations

Parmi les nombreuses irrégularités du processus, une des plus importantes fut celle de l’achat et revente des accréditations des représentants des partis dans les tables électorales. Neufs partis étaient en compétition, parmi lesquels quatre furent créés à la suite du coup d’État de 2009 et que, faute de représentants, durent vendre leurs accréditations au candidat nationaliste Juan Orlando Hernandez (JOH). De plus, trois des cinq partis politiques qui existaient avant le coup d’État ont également négocié leurs accréditations avec le Parti Nationale. En conclusion, seuls quatre partis parmi les neuf avaient des représentants dans les locaux de vote au niveau national : le Parti Libéral, le Parti Anti-Corruption (aussi appelé PAC, parti du très célèbre présentateur de télévision Salvador Nasralla, et qui fut fondé comme une stratégie de la droite afin de soustraire des voix au parti LIBRE sachant que le mécontentement populaire et l’hostilité au bipartisme était forte), Le Parti National (parti au pouvoir et qui en achetant les accréditations de petites organisations, réussit à maintenir son hégémonie en manipulant les actes électoraux scannées où même des personnes mortes avaient votés…), et finalement le Parti Liberté et Refondation LIBRE. Ces quatre partis obtinrent 98% des voix.

Il faut également ajouter l’achat de voix de la part de certains membres du parti au pouvoir, allant jusqu’à offrir 500 lempiras (environ 20 CHF) par voix et ceci afin de se faire élire ou, pour certains d’entre eux qui ont des décennies au congrès national, de se maintenir. Ils offraient des repas ou des sacs d’aliments, profitaient du programme « bono diez mil » de Juan Orlando Hernandez qui offre des bonus du gouvernement, juste avant les élections, et offraient également la carte « la Cachureca » qui donnait aux votants pour Juan Orlando, des réductions dans des commerces et boutiques. Les cyniques ont joué avec la faim du peuple pour se faire élire.

Un point encore plus alarmant et qui attire l’attention nationale et internationale est l’intimidation du crime organisé et des narcotrafiquants à l’égard de militants de notre parti et ce dans les secteurs ruraux contrôlés par ces mafias. Parmi ces communautés, il y a celle de El Paraíso ainsi le département de Copán, à l’ouest du pays à côté de la frontière avec le Guatemala (donc un lieu stratégique pour le trafic de drogue). De nombreuses bandes du crime organisé ont retenu et menacé nos représentants dans les locaux de vote le jour même des élections. Des vols de copies d’actes de résultats des urnes qu’on donne à chaque représentant de parti présent dans le local ont été enregistrés. Ceci fut dénoncé par les coordinateurs du département à des observateurs internationaux tel l’OEA mais notamment à ceux de l’Union Européenne ; ceux-ci ont répondu qu’ils n’étaient pas en mesure de se rendre dans ces lieux pour voir ce qui se déroulait à cause du danger qu’ils couraient dans ces régions, contrôlées par les narcotrafiquants et des groupes paramilitaires. Ce qui est ironique est que le rapport que ce même organisme rendra quelques jours après, communiquera au monde entier que les scrutins au Honduras s’étaient déroulés sans le moindre incident et que le vainqueur était Juan Orlando Hernandez sans tenir compte des accusation du parti LIBRE et le PAC auprès du Tribunal, qui évidemment furent affectés par ces irrégularités.

Mais la fraude sera consolidée dans les installations du système de transmission du TSE, où plus de 300’000 voix seront gonflées. Le parti LIBRE perdra 120’000 et de nombreuses actes ne coïncident pas avec celles détenues par LIBRE et le PAC. Le soir même des votations, la dernière annonce du TSE soulignait qu’il existait des incohérences sur au moins 20% des actes électoraux. De plus, des manipulations avaient été dénoncées sur les actes électoraux de régions où LIBRE disposait d’un fort soutien. L’Union Européenne quant à elle, fermait les yeux. Si certains observateurs comme le brésilien Leo Gabriel et Baltasar Garzón de la Fédération international des droits de l’homme ont dénoncé ce processus frauduleux, les représentants de l’Union Européenne ont toléré le scandale.

Les Actions du Parti et ses résultats

Jusqu’à maintenant, la direction du parti fait recours à toutes les instances légales afin de protester contre le résultat final émis par le TSE qui donnait un 36,80% des voix à Juan Orlando Hernandez (parti National) contre 28,76% à Xiomara Castro (LIBRE). Le problème réside dans le fait qu’ils traitent ce problème dans le cadre des institutions bourgeoises dominées par l’oligarchie avec un résultat facile à prédire, en faveur des putschistes. C’est pour cela que nous affirmons que ceci pourrait finir par la légitimation du processus électorale et son résultat.

La direction du parti maintient un bas profil afin de pacifier le mécontentement et les pressions de la base, qui est prête à mener la lutte contre la fraude et résister à l’imposition d’un président qui ne fut pas élu par la majorité. La direction du parti attend la réponse du TSE pour ses accusations faites 30 jours après les élections comme le veut la loi électorale. Ceci dit, le parti ne peut pas uniquement faire des accusations pour l’élection présidentielle. Ils commencent à reconnaître le processus en acceptant les résultats des bulletins législatifs ainsi que le quota de représentation obtenu au sein du Congrès National qui s’élève à 37 députés de LIBRE pour un total de 128 députés. Ceci serait l’une des pires erreurs que notre direction commettrait, car en avalisant ces résultats législatifs, elle serait pratiquement en train d’avaliser les résultats présidentiels. Ce qui évidemment démoraliserait la base qui ne peut pas tolérer une victoire de plus pour les putschistes.

Consolidation de Juan Orlando Hernandez (JOH)

Une chose est sûre : le parti National consolide peu à peu « le coup électoral » au niveau national et international. Juan Orlando Hernandez se présente déjà face aux médias et dans des conférences comme le président légitime. Il participe à des réunions avec le secteur entrepreneurial qui le reconnaît comme le président légitime et avec lequel JOH discute de son programme gouvernemental. Aussi JOH discute avec les dirigeants paysans et ouvriers soi-disant « de gauche », les forces armées et la police national qui l’ont soutenu, la confrérie Évangélique et l’église Catholique qui lancent ses prières à Dieu pour qu’il sache « illuminer le nouveau président des honduriens »; il convient de dire que ces mêmes organisations avaient toléré le coup d’État militaire de 2009.

Juan Orlando continue également avec ses tournées internationales où il a pu rencontrer divers dirigeants de gauche comme de droite qui l’ont félicité pour sa victoire, en commençant par le dirigeant nicaraguayen Daniel Ortega ainsi que Enrique Peña Nieto, qui comme JOH, arriva au pouvoir à travers la fraude.

Pour un front Unique contre la fraude ; Lutter jusqu’à la fin !

Le 11 décembre, le TSE annonça le verdict final qui donnait Juan Orlando comme le vainqueur, en négligeant les accusations de LIBRE et le PAC, ce qui veut dire que la bourgeoise imposera par tous les moyens Juan Orlando. Face à cela, nous constatons que la direction du parti LIBRE n’a pas véritablement établi de convocation majeur face à la fraude mais s’est contenté d’appeler à quelques concentrations minuscules et dispersées juste pour donner quelques discours mais sans véritablement faire pression sur le TSE. Le mécontentement grandit et est accompagné par l’indépendance croissante du front de résistance de l’appareil du parti LIBRE sachant que les arrivistes du parti ne veulent pas mener une lutte sérieuse ; l’obligation de la base du FNRP est donc de lutter, de se mobiliser et réactiver le front combatif. Nous ne pouvons pas rester à regarder les putschistes faire ce qu’ils veulent ! L’imposition de Juan Orlando ne fera que continuer et amplifier la vague de privatisations et l’approfondissement du néo-libéralisme et du capitalisme le plus sauvage, corruption et misère sachant que la militarisation de la société sera soutenue, l’installation des bases militaires étasuniennes, la dévaluation de la monnaie, les mesures d’austérité demandées par le FMI, la répression, entre autres. A seulement quelques jours des élections, le gouvernement annonça l’augmentation de l’impôt sur la vente (ISV, l’équivalent de la TVA) de 12% à 15%.

Nous devons unifier et agrandir le mouvement social sachant que les prochains quatre ans seront de lutte intense et constante de défense des conquêtes sociales surtout dans la rue où elles ont été conquises. La direction de LIBRE n’a élaboré aucun plan de lutte pour la base avant les élections au cas où il y aurait eu de la fraude. Le peuple doit donc s’organiser dans le front et mener la lutte depuis la base. Parmi les éléments les plus actifs de la base, se trouvent les jeunes « anti-JOH » qui se mobilisent depuis les universités de Tegucigalpa et San Pedro Sula, même en désaccord avec la direction. Certains jeunes « anti-JOH » n’appartiennent à aucun parti. Il faut unifier la lutte et rassembler tous ceux qui refusent de reconnaître ce personnage imposé par la bourgeoise et l’impérialisme.

Ces élections nous ont montré d’un côté la détermination du peuple hondurien pour la transformation sociale, mais aussi les limites rigides de la direction du parti LIBRE qui est devenu un frein pour la lutte sociale et qui dévie les forces du parti dans le terrain institutionnel de la bourgeoisie putschiste au lieu de soutenir la lutte dans la rue des paysans, ouvriers et de la jeunesse révolutionnaire. L’imposition de JOH comme président aura comme résultat un gouvernement de continuation des attaques contre les travailleurs honduriens, c’est pour cela que nous devons rester organisés dans la lutte pour la défense de nos intérêts et être prêts à affronter les défis futurs.

La politique de réconciliation avec l’ennemi ne nous a amené rien de bon, c’est pour cela qu’il est plus indispensable pour le parti LIBRE et le FNRP de se doter d’un programme révolutionnaire et authentiquement socialiste. Le peuple apprendra à travers ses luttes mais il est nécessaire de construire une direction adéquate qui ne peut venir que des jeunes et travailleurs eux-même. Cette direction ne viendra pas spontanément mais il faut la construire consciemment. Il est nécessaire qu’en tant qu’avant-garde consciente du peuple, nous nous constituons en cadres et en récupérant les idées, les méthodes et le programme du marxisme révolutionnaire nous puisons être capables de guider le peuple à la victoire.

Marcell Ortiz
TMI Honduras

 

Source: « Honduras: Después de las fraudulentas elecciones la lucha debe continuar »

Avant les élections: Honduras : Élections et rôle du parti LIBRE