[dropcap]E[/dropcap]n septembre, le Conseil d’État genevois (CE) a présenté sa nouvelle proposition de budget cantonal. A l’heure actuelle, le budget est déjà en phase de passer à la discussion au sein du Grand Conseil genevois (GC). Qu’est-ce que ce nouveau budget apporte de particulier? Comment s’inscrit-il dans le contexte actuel d’austérité? Quelles sont les réactions des différents acteurs? Quelles perspectives pour la lutte contre l’austérité?

Avant de traiter ces questions, faisons un bref rappel des faits. Les deux derniers budgets cantonaux contenaient un certain nombre de mesures d’économie s’élevant à plusieurs centaines de millions de francs. Par ailleurs, la proposition de budget 2016 contenait des mesures structurelles dont l’objectif était de réduire les charges de personnel de 5% en trois ans. Concrètement cela allait se traduire par une augmentation du temps de travail des fonctionnaires ou encore une facilitation des procédures de licenciements. La mobilisation engendrée par ces attaques a dépassé les expectatives: plus de 10’000 personnes sont descendues dans les rues et ont fait grève durant sept jours pour exprimer leur rejet du budget 2016. Mais il y a plus important: malgré la signature d’un accord entre les syndicats et le Conseil d’État, le budget n’a pas trouvé de majorité au GC. Ceci veut dire que l’État de Genève ne fonctionne plus avec un budget “habituel”. Les 2 budgets précédents (2015 et 2016) contenaient des mesures d’économies. Selon les calculs du CE, seul 8% des mesures ont été refusées alors qu’environ la moitié sont en cours (52%). D’ici 2017, on estime que le canton aura économisé 380 millions de francs. Le CE insiste sur le caractère cumulatif de ces mesures pour justifier le fait qu’ils feraient des efforts pour ne pas se trouver avec des budgets déficitaires.

Comment s’inscrit-il dans le contexte actuel d’austérité?
Le budget 2017 nous est présenté par le CE comme un budget “d’apaisement” qui serait en mesure de trouver une acceptation dans le parlement cantonal. Il est, en l’état, déficitaire de 77 millions de francs. Certes, le projet garde les annuités, c’est-à-dire l’augmentation de salaire annuelle prévue par la loi. Les années précédentes, elles étaient versées en retard ou pas versées du tout. Or, les annuités ne sont pas un cadeau du CE; elles constituent un droit des travailleurs-euses de la fonction publique. Par ailleurs, le CE maintient son objectif de faire baisser de 5% les dépenses sur le personnel. Il y a aussi une réduction des charges de 11,1 millions et une réduction linéaire de 1% sur les subventions (21 millions) qui sont prévues dans le plan des mesures 2017. Par conséquent, le budget 2017 s’inscrit dans une suite d’attaques qui visent à préparer le terrain pour l’introduction de la Réforme d’imposition des entreprises III (RIE III). Les pertes engendrées par celle-ci pourraient s’élever à 500 millions de francs par an. Quelques mots sur le sens de la RIE III. Cette réforme représente le plus grand cadeau fiscal effectué aux entreprises depuis des années. L’objectif avoué par le Conseil fédéral est de maintenir la compétitivité de la place économique suisse. Dans un contexte de crise dans lequel nous ne trouvons, il s’agit pour les entreprises d’améliorer leur compétitivité internationale en allégeant les charges fiscales. Les mesures d’économies se traduisent concrètement par une augmentation de la pression sur les salarié-e-s de la fonction publique et une dégradation des prestations sociales alors que la situation est déjà très dramatique; tout ça dans l’objectif d’améliorer la profitabilité des capitalistes! Il est donc indispensable de s’opposer fermement à ce budget présenté sous le vernis du “consensus”.

Par ailleurs, l’une des grandes tactiques employées par les porte-paroles de la bourgeoisie est de diviser les rangs des salarié-e-s des secteurs public et privé en pointant du doigt les conditions des “fonctionnaires privilégiés”. Il est important de résister à ces divisions et de prôner l’unité des salarié-e-s du privé et du secteur public dans la lutte pour des meilleures conditions de travail. La manifestation unitaire du 11 novembre 2015 qui avait rassemblé 9000 maçons et fonctionnaires est un bel exemple de la puissance d’une telle unité dans la lutte.

Quelles sont les réactions des différents acteurs?
Les partis bourgeois (PLR, PDC, UDC) font preuve d’une conscience de classe élevée et sont unis dans les agressions vis-à-vis de la fonction publique. Le Mouvement Citoyen Genevois (MCG) dont une partie de son électorat se trouve dans certaines couches de fonctionnaires, notamment la police, peut être amené à s’opposer, de manière purement opportuniste, à certaines attaques comme les annuités. Mais sur le reste, le MCG se place entièrement dans le camp des partis bourgeois contre les intérêts des salarié-e-s.

La gauche a montré jusque-là une certaine unité mais qui est, en réalité, très fragile. Le Parti Socialiste (PS) et les Verts ont des représentants au CE qui se trouvent dans une position peu confortable. Ni Antonio Hodgers (Verts) ni Anne Emery-Torracinta (PS) ne s’opposent ouvertement à l’austérité.

Par ailleurs, la défense du “compromis cantonal autour de la RIE III” par le PS vaudois n’est pas passé sans répercussions. L’exemple vaudois nous a montré que la social-démocratie est prête à accepter la RIE III en obtenant certaines mesures “compensatoires”. Ces mesures sont minimes comparées au plus grand fiscal offert aux capitalistes depuis des décennies. Ces derniers se chargeront, tôt ou tard, de faire payer le prix aux salarié-e-s et les usager-ères.

Alors que les militant-e-s du PS genevois récoltaient des signatures pour le référendum national contre la RIE III, la conseillère administrative PS Sandrine Salerno affirmait que, “à quelques points près, un soutien de gauche [au projet de RIE III cantonal du CE] était possible”. En même temps, la direction de son parti affirmait son opposition à la proposition du CE. Le soutien du PS genevois serait conditionné par l’introduction d’un certain nombre de mesures compensatoires dans le projet de réforme pour “limiter au minimum la casse”. Ces mesures se trouvent dans un papier de position rédigé en 2014 qui insiste, par exemple, sur la nécessité de supprimer les entraves à davantage de déficit (suppression du frein à l’endettement) et une “contribution sociale” des entreprises en fonction de ses bénéfices et du nombre d’employé-e-s pour financer les projets publics. En gros, on peut accepter la RIE III si on permet davantage d’endettement et une hausse d’impôts. Ce genre de propositions ne sont pas novatrices et seraient même dangereuses. Sans une remise en question du mode de production capitaliste, un creusement de la dette lierait davantage l’État au chantage des banques et ouvrirait la voie à davantage d’austérité. On sait aussi très bien que la bourgeoisie est allergique à toute hausse d’impôts même très minime et qu’elle trouverait les moyens de faire avorter un tel projet.

Au niveau syndical, le Syndicat des Services Publics (SSP) a dénoncé ce “budget d’apaisement” dans son communiqué de presse du 10 octobre. La proposition du CE se veut “apaisante” et donc capable d’obtenir une majorité, ce qui risque d’être le cas. Le CE chercherait “l’unité” et le “consensus” surtout au moment des négociations autour de la RIE III. La présidente du PS genevois a insisté: “si nous voulons faire passer la réforme, il nous faut un front large uni comme dans le canton de Vaud. On n’est pas dans un climat qui permet un passage en force de la RIE III.”

Par ailleurs, récemment, le SSP et le syndicat des transports SEV ont intégré le Cartel Intersyndical qui, à présent, rassemble en son sein tous les syndicats de la fonction publique. La prochaine Assemblée du personnel se tiendra le 17 novembre.

Quelles perspectives de lutte?
Nous devons nous opposer sans concessions à ce nouveau budget puisqu’il s’inscrit dans un programme plus large d’agressions envers les travailleurs-euses. Toute forme de compromis “à la vaudoise” doit être refusé puisqu’il lie le mouvement ouvrier à un projet bourgeois de contre-réformes sociales dont les conséquences risquent d’être terribles. L’austérité découle de la crise du capitalisme et est un outil de la bourgeoisie pour faire payer les conséquences de celle-ci aux salarié-e-s. S’attaquer à l’austérité, nécessite de s’attaquer au fond du problème qui est le capitalisme. Le PS, le reste de la gauche et les syndicats veulent faire face à l’austérité par une imposition plus progressive pour trouver des recettes supplémentaires. Les marxistes, nous avons toujours été favorables à une imposition progressive qui fasse payer davantage les plus riches. Mais sans une remise en question du système capitaliste, toute tentative de hausse d’impôts fera face au sabotage et à une résistance farouche de la part des bourgeois. Pour pouvoir leur tenir tête, nous avons besoin de lier notre lutte contre la RIE III et contre les mesures d’austérité à une lutte pour le socialisme, c’est-à-dire la rupture la plus totale avec le système capitaliste.

Le cas genevois n’est pas un cas isolé. L’austérité est appliquée au niveau national aussi. A Lucerne, Zurich, Fribourg ont eu lieu des mobilisations contre les mesures d’économies. La RIE III impose une résistance d’ordre national à laquelle l’étincelle participe partout où elle est présente et à travers la Jeunesse Socialiste Suisse.

  • Disons ensemble: NON À L’AUSTÉRITÉ! NON A LA RIE III!
  • Pour l’unification des luttes à l’échelle national!
  • Refus de tout “compromis” cantonal qui lie le mouvement ouvrier au contre-réformes bourgeoises!