Il y a une semaine est sortie le nouveau numéro de l’étincelle. Nous publions ici son éditorial.

 

Ces dernières semaines, une tempête de bouleversements politiques est apparue dans des pays, dont, au premier abord, personne ne doutait de la stabilité des régimes politiques.  La concentration de changements d’une telle portée n’est pas due au hasard. Ils reflètent la nouvelle ère dans laquelle nous sommes entrés depuis la crise de 2008.

Au Burkina Faso s‘est achevé le règne de Blaise Compaoré qui durait depuis 1981. Le mouvement de protestation n‘a eut besoin que d’une dizaine de jours pour que l’instigateur de l’assassinat de Thomas Sankara soit éjecté de son siège, très stable il y a encore un mois. Depuis le jour de son abdication (le 31 octobre), les milieux bourgeois et leurs chuchoteurs impérialistes ont fait défiler plus de six dirigeants « provisoires » dans leur tentative désespérée pour garder le pouvoir.

Mais, le plus important, c‘est l’effet exemplaire que ce renversement a eut sur les autres peuples de la région. Au Niger, d‘importantes manifestations ont eues lieu, au Togo la situation chauffe aussi. En Côte d’Ivoire, une mutinerie a convaincu les élites de faire expédier l’ex-président burkinabé en exil pour le Maroc. Des conditions similaires produisent finalement des résultats similaires.

10‘000 km à l’ouest de Ouagadougou, au Mexique, un mouvement s’est construit à une vitesse exceptionnelle et montre des parallèles intéressants. Il y a encore quatre semaines, le président Enrique Peña Nieto était présenté par tous les médias comme le réformateur dont ce pays, voisin de l’empire étasunien, avait besoin pour « conclure sa transition au 21ème siècle ». Sans langue de bois, il s‘agit d‘une situation de crise économique prolongée nécessitant des mesures drastiques pour assurer le taux de profit des capitalistes (mexicains et multinationaux). Le marathon de contre-réformes imposées à la population (réforme du code de travail, ouverture du marché pétrolier au financement privé, etc.), qui recevait beaucoup d’éloges, a créé une tension générale dans un pays déjà ravagé par la « guerre contre le narcotrafic ». La disparition des 43 étudiants de Ayotzinapa apparaît ainsi comme l‘étincelle qui a allumé la flamme de la protestation.

Ces deux épisodes bien récents nous montrent la volatilité qui règne au niveau international et que même si une situation de calme trompeuse prédomine à la surface, la rage qui s’est accumulée juste en dessous peut entrer en éruption à n‘importe quel moment.
En Europe, la situation politique n’est pas moins orageuse. L‘Allemagne a vécut une importante grève des conducteurs de train. Les médias allemands en ont profité pour lancer une campagne violente contre leur syndicat GDL et pour exiger, tels de fidèles bichons des milieux bourgeois, une interdiction du droit de grève dans la fonction publique, les régies et entreprises publiques. En France, le gouvernement « socialiste » joue au calendrier de l’avent en nous dévoilant chaque jour une nouvelle mesure montrant, d‘une part, son incapacité à gérer l’État  et, d‘autre part, sa véritable nature de gérant des affaires courantes de la bourgeoisie. Un sommet de cynisme a été franchi quand le cabinet chantait des éloges à Christophe de Margerie, le PDG de Total, tout en justifiant cinq jours plus tard l’assassinat du manifestant Rémi Fraisse par la police.

Sur les terres helvétiques, les rafales du même orage se font sentir sur plusieurs plaines. D’une part à travers les budgets d’austérité répétés et largement répandus, permettant que les protestations de la fonction publique persistent au niveau local, mais finissent par s’étouffer dans l‘isolement. La grève totale des TPG du mercredi 19 novembre est certainement une des ripostes de la plus grande ampleur que la Suisse ait connue depuis la crise.

D’autre part, les salariés en Suisse sont victimes d’une nouvelle vague de licenciements collectifs (mais échelonnés, et donc, cachés). La grève avec occupation d’entreprise à Pavatex à Fribourg en est un exemple. La banderole des grévistes l’expliquait bien : après cinq années de réduction de salaire, le licenciement collectif. Ce slogan résume l’analyse que l’étincelle a faite de la stratégie que les patrons industriels suisses appliquent à leurs investissements et dont les travailleurs subissent les conséquences en premier. Des périodes de licenciement collectives alternent avec des mesures permettant d‘augmenter la compétitivité des entreprises sur le dos des travailleurs (augmentation du temps de travail, diminution de salaire, etc.). Mais ce « massage » produit des effets dans la conscience des travailleurs et travailleuses. Il n’est donc pas improbable que la tension accumulée dans les ateliers suisses se décharge à travers une nouvelle vague de grèves semi-spontanées – comme l’étaient les grèves à Pavatex et aux TPG.

Sur cet arrière-plan, la Jeunesse Socialiste débute pour la première fois une discussion correspondant aux conditions objectives, bien que la « démocratie économique »
et l’initiative « 50/50 » prônée par le comité directeur visent l’achèvement du partenariat social. A ces illusions, autant sur la forme (l’initiative et l’État comme moyen émancipateur) que sur le fond (direction paritaire d’une entreprise privée, élection du président du conseil de surveillance), notre réponse réside dans la consigne du « contrôle ouvrier » face aux attaques du patronat. Nous relions cette revendication à la demande de l’ouverture des comptes de l’entreprise, pour que le personnel sache la véritable situation financière de celle-ci. En soulignant que ce sont des revendications de transition visant l’objectif du contrôle démocratique de toute l’économie socialisée.

C‘est dans cette optique que s’inscrit notre proposition de projet JS 2015 «A la conquête des centres de formation professionnels ». On ne peut avoir de « démocratisation de l’économie » sans un mouvement ouvrier organisé. Notre proposition de projet JS 2015 en montre les premiers pas.  Pour éclaircir les idées sur une telle démocratisation, nous avons choisi de mettre l’accent de nos prochaines publications sur le concept de « contrôle ouvrier » et organiserons des discussions publiques à ce sujet.
 
27 novembre 2014
La rédaction