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La gauche semble enfin avoir réussi à imposer un sujet propre à la discussion politique de ce pays. Quel miracle dans le pays de collaboration des classes ! Grâce à l’initiative 1:12, ce sont les questions de répartitions de richesse qui sont au coeur de la confrontation avec la bourgeoisie. En fin de compte, le combat sans cesse pour la part des richesses produites entre les différentes classes sociales a toujours été au cœur de la lutte des classes. Cependant, ce n’est pas la puissante Union syndicale suisse (USS), ni le Parti socialiste (PS) qui ont impulsé cette lutte, mais bien la Jeunesse socialiste (JS). Une fois de plus, la jeunesse forme le fer de lance du mouvement ouvrier. La JS a réussi à faire ce que son parti-mère n’a pas fait depuis bien longtemps : elle a ouvert les yeux des salariés et des jeunes à la question de la valeur du travail.

Toutefois, les porte-paroles réformistes du mouvement ouvrier ont peur de cette lutte et ne reconnaissent pas le moteur principal du débat sur cette initiative qui est celui du conflit d’intérêts opposés entre salariés d’un côté et patronat et leurs manager-laquais de l’autre côté. Ils considèrent la 1:12 seulement comme une amélioration du modèle suisse. Le caractère combatif et véritablement progressiste de cet initiative est ainsi balayé sous le tapis du « consensualisme helvétique ». Au lieu de dévoiler les intérêts de classes contradictoires, l’aile droite du PS veut à nouveau les camoufler. Ils ne comprennent donc pas le véritable sens de la 1:12.

Les représentants de la classe dominante ont, de leur côté, visiblement de la peine à justifier les écarts salariaux gigantesques. Ils adoptent alors une stratégie bien connue: celle des menaces et du chantage. Il s’agit d’une tactique déjà utilisée dans diverses votations sur l’instauration de réformes sociales progressistes comme lors de la votation sur les cinq semaines de vacances pour tous. Mais la question qui se pose est: Quelle attitude prendre face aux menaces de délocalisation en masse des sites de production ? Nous pensons qu’il faut aller à la contre-offensive et formuler des mesures propres pour empêcher que le destin de centaines de milliers de travailleurs et travailleuses de ce pays soit sacrifié aux bourgeois qui boudent à cause de la limitation de leur bénéfice personnel et aux entraves que cette limite pose à la logique de profit. Si ces personnes veulent quitter le pays, qu’ils s’en aillent! Mais que les forces productives, les brevets et le savoir-faire restent ! La mise en place de contrôle de capitaux, par exemple, pourrait former une protection contre les délocalisations, tout comme la reprise de la production sous contrôle des travailleurs eux-mêmes.

La 1:12 remet à l’ordre du jour la question du contrôle des richesses sociales. Il est clair que les patrons n’en veulent pas de ça. Ils veulent rester les chefs absolus au sein des entreprises. Ils abhorrent toute interférence sociale dans leur pouvoir. C’est pour cette raison qu’ils s’opposent fondamentalement à la 1:12. Ils savent parfaitement que cet initiative implique un contrôle social plus fort sur les richesses produites.

Il faut bien reconnaître la force de la 1:12. Mais une chose est claire: nous ne devons pas avoir d’illusions dans la démocratie bourgeoise suisse. Une initiative à elle seule, peu importe son caractère combatif et sa valeur de conscientisation de classe, ne changera jamais fondamentalement le sort des salariés et des jeunes de ce pays. Le socialisme ne s’introduit pas par décret ; il ne s’introduit pas non plus par initiative populaire. Mais c’est seulement à travers l’activité consciente et collective des salariés, c’est-à-dire de l’immense majorité de la population, que les aspirations de justice sociale, de paix et d’égalité peuvent être réalisées. Le droit d’initiative peut avoir un effet durable pour le mouvement ouvrier uniquement dans la mesure où celui-ci peut augmenter le taux d’organisation et de la combativité de la classe. Mais il est bien clair qu’une revendication ne peut pas se retrouver isolée si elle veut avoir un véritable impact. Elle doit s’inscrire dans un programme conscient visant la libération de la domination bourgeoise. C’est dans le but de l’élaboration d’un tel programme que nous, la tendance marxiste de la Jeunesse socialiste suisse, proposons d’entamer une discussion sérieuse sur un programme d’action adapté à la situation actuel. Ceci en vue de sortir du piège des initiatives comme seul horizon d’action politique.

Les droits de démocratie directe ont des limites qui se montrent d’ailleurs particulièrement fortes en ce qui concerne les mesures d’austérité. En effet, les budgets ne peuvent pas être soumis au référendum facultatif dans l’immense majorité des cantons et des communes. Les luttes anti-austérités jouent donc un rôle de plus en plus centrale dans la lutte des classes de ce pays. Une raison de plus pour ne pas se borner sur la seule logique de politique institutionnel.

Dans une perspective de combat pour le socialisme, ce n’est pas suffisant de placer des revendications isolées. L’initiative 1:12 toute seule ne peut pas régler le problème de la répartition des salaires. C’est pour cela qu’elle doit être placée à côté d’autres revendications comme celle d’un salaire minimum. La votation sur l’initiative syndicale pour un salaire minimum, que la bourgeoisie craint d’ailleurs nettement plus que la 1:12, forme une suite logique. Un salaire minimum est d’une nécessité absolue pour les travailleurs de ce pays. Nombre de gens vivent les fins de mois avec moins que rien sur leur compte, même dans le pays de la prétendue richesse et « bien-être ». Mais ceci n’est que la pointe de l’iceberg. Nous vivons dans un système d’exploitation qui enrichit abusivement certains au détriment de tout le reste. Que faire donc avec ce système? Faut-il s’en débarrasser ou chercher à le sauver en bricolant à gauche et à droite en essayant d’améliorer son fonctionnement? Pour nous, la réponse est claire et nette : il faut un renversement consciente du capitalisme. Ce constat est loin d’être ancré dans une morale abstraite, même si nous refusons également les prémisses de la vie sociale et culturelle bourgeoise. La crise économique et sa gestion par les capitalistes, comme d’ailleurs par les dirigeants réformistes du mouvement ouvrier, nous montre que ce système n’offre plus rien de progressiste à l’humanité dans son ensemble. Le capitalisme est organiquement incapable d’augmenter le bien-être sociale, bien au contraire : il détériore les conditions de vie des travailleurs et des peuples du monde entier.

Mais ce constat n’est qu’un premier pas. Pour avancer, il faut faire maints d’autres pas. Pour nous la tâche immédiate est claire : il nous faut un programme d’action posant les questions principales de la lutte des classes dans ce pays. Il nous faut un plan d’ensemble, un guide à l’action collective et non pas des pansements pour un corps pourris jusqu’aux os.

Même si la gauche prend de plus en plus un minimum de combativité, elle reste faible face aux attaques racistes de la bourgeoisie contre les salariés. Nous sommes convaincus et d’ailleurs l’histoire nous donne raison, que la montée en force de la droite dure, des courants politiques racistes et fascisants, comme le MCG à Genève et bien évidemment l’UDC au niveau national, est toujours conséquence de la faiblesse de la gauche. Les messages mensongers véhiculés par ces partis ne font que diviser les travailleurs et donc consolider de plus en plus la domination bourgeoise. Il faut donc empêcher l’avancée de ces partis et aller à l’offensive avec un programme d’action socialiste.

La nécessité de ce programme d’action est de plus en plus évidente. Certes la 1:12 peut donner une vrai gifle au patronat mais cela ne suffit pas pour gagner le combat. Armons-nous avec un programme d’action qui sert de soutien à la classe ouvrière pour finalement mettre K.O. la classe dominante et le système capitaliste en entier.

La rédaction
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