Être posé(e) sur un canapé et se sentir en même temps comme un lion militant dans un mouvement de grève ; le film « comme des lions » illustre une lutte exemplaire contre la fermeture d’une usine près de Paris. Il décrit le processus d’apprentissage d’une masse organisée, élément clé dans le contexte des mouvements actuels.

Le  projet de loi Travail a suscité une vague persistante de grèves et de manifestations en France. La colère et la peur des militant(e)s comme forces motrices des mouvements sont difficilement concevables depuis l’extérieur.

« Comme des lions » donne accès à la perspective intérieure des travailleuses et travailleurs dans le contexte de la fermeture d’une usine de Peugeot avec 8000 employé(e)s. La caméra emmène le public dans des situations quotidiennes d’une période de grève à l’intérieur de l’usine ainsi que dans les rues.

Des émotions comme la déception, la joie ou la haine sont transmises de manière extrêmement réaliste; sans aucun interview, « voice over » et sans aucune retouche. La réalisatrice, Françoise Davisse, décrit son documentaire même comme un « film de guerre », ce qui démontre la volonté de rendre le public le plus proche à la matière possible. Le spectateur est plongé au cœur du conflit, comme si lui-même était au milieu des ouvriers et qu’il avait à se positionner lui aussi sur la stratégie de grève. Cette illustration subjective et apportant une concrétisation de la notion abstraite de « classe ouvrière » ne prend toutefois pas en compte les instances responsables de la violence contre la classe ouvrière dans le capitalisme.

Les trois forces opposées
En 40 ans, l’usine Peugeot dans la banlieue de Saint-Denis a été à plusieurs reprises le lieu de tensions. Malgré un chiffre d’affaire prometteur en 2010, la fermeture de l’usine est soudainement annoncée deux ans plus tard ; il s’agit d’une stratégie d’optimisation dans une industrie ultra compétitive. Les travailleuses et travailleurs furent apaisés : La totalité des emplois devait être recrée dans d’autres sites après la fermeture.

Mais deux ans plus tard, la moitié des concerné(e)s se retrouve au chômage. Le gouvernement français refuse tout au long des deux années de grève de mettre à disposition un médiateur dont les grévistes auraient légalement le droit. Il se décide au contraire de fournir une garantie bancaire de sept milliards euros à l’entreprise Peugeot et de réprimer, parfois brutalement, les revendications des militant(e)s à travers la force policière. La troisième instance, les médias, prône la stratégie d’entreprise en présentant les avis des syndicalistes résignés, prêts à subir des concessions et donne une image vulgarisée des grévistes.

Cette cohésion des instances bourgeoises françaises leur est nécessaire dans la crise internationale de plus en plus accentuée du capitalisme afin de faire des gains relatifs de productivité. Comment la classe ouvrière peut-elle concrètement agir contre une bourgeoisie unie? Quels moyens lui reste a-t-elle?

Des lions paisibles et conscientisés
La moitié des 400 grévistes de départ tiennent effectivement jusqu’à la fin et s’en sortent au final financièrement mieux que les briseurs de grève. Ce calcul n’a pourtant aucune importance. Ce qui compte ce sont’est les leçons tirées par les travailleuses et travailleurs pendant cette lutte.

Qu’il s’agisse d’apprendre à parler devant des camarades, de se faire son propre avis ou même d’aller convaincre une/un non- gréviste ; le degré de conscience de classe s’accroît tout au long du film.

Ce sentiment d’appartenance à partir duquel sont tirés le courage et l’endurance se crée grâce à la discipline et la démocratisation totale de la commission de grève. Aucun caillou ne fut lancé, aucun fonctionnaire ne fut insulté et, quand quelqu’un parle, il y a tout le monde qui l’écoute. C’est donc l’énergie d’une masse conscientisée qui forme une meute de lions capable de combattre la classe dominante.

Dario Dietsche
ASEMA Genève