[dropcap]L[/dropcap]e 4 mars, une proposition sera soumise au vote qui fait actuellement bouger les esprits en Suisse : l’initiative « No-Billag ». Pour comprendre la nature de cette initiative, il suffit d’examiner le comité d’initiative. Ses représentants proviennent principalement des régions des JUDC ou des JLR. L’initiative bénéficie également du soutien de l’UDC et de la Fédération suisse du commerce – en bref : les coups de bélier du grand capital.

Leur intention n’est rien d’autre que de privatiser le paysage médiatique et de le soumettre ainsi entièrement au principe de maximisation des profits des groupes de médias privés.  En vertu des articles 93.3 et 93.4 de la Constitution, comme proposé par l’initiative, les concessions actuellement accordées par la Confédération à la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) seraient mises aux enchères au plus offrant et le financement par la redevance Billag ou d’autres subventions fédérales serait exclu. La SSR (actuellement financée à 75 % par Billag) deviendrait ainsi une société privée de médias et sa position serait sans aucun doute remplacée par les grandes maisons de médias Tamedia, Ringier ou la BaZ Group de Blocher. La suprématie de l’opinion publique serait ainsi entièrement partagée entre les grandes maisons d’édition.

Tout le monde déteste Billag !

Cependant, ce programme est savamment lié par le comité d’initiative au rejet de la redevance Billag, ce qui est à juste titre approuvé par la population. Il va sans dire que nous ne pouvons appuyer aucune initiative qui renforcerait ainsi la position du capital. En outre, la privatisation de la SSR entraînerait la réduction de milliers d’emplois, ce contre quoi nous luttons clairement. La récente vague de licenciements à l’agence de presse ATS a montré que les entreprises médiatiques privées subordonnent complètement le journalisme et l’emploi de professionnels des médias aux intérêts lucratifs de leurs actionnaires.

Pourtant, nous ne pouvons pas non plus soutenir les arguments avancés par les opposants, en particulier le PS et l’union syndicale. Le PS perd une fois de plus sa légitimité en tant que parti ouvrier dans son rôle dans la lutte pour le vote de l’initiative No Billag, en particulier dans la défense sans critique de la redevance Billag. Une redevance est un montant forfaitaire qui doit être payé par toutes les personnes de façon égale, indépendamment de leur revenu ou de leur richesse. Alors que la cotisation annuelle de CHF 451 ne fait guère de mal à un-e millionnaire, le montant pour un-e employé-e du commerce de détail est une dépense importante. Pour cette raison, les taxes et les impôts indirects ont toujours été le moyen privilégié de la bourgeoisie pour répercuter les coûts étatiques sur les salarié-e-s. La rage à l’égard de cette redevance est donc parfaitement justifiée et la gauche doit reprendre la critique légitime de cette taxe et élaborer un contre-programme au lieu de se présenter comme la gardienne de la SSR et donc de la redevance Billag. En ce moment, cependant, le PS semble être pris dans la logique du « moindre mal », comme nous la connaissons déjà de la réforme des retraites – une situation au détriment des salarié-e-s est vendue comme un succès par crainte d’une détérioration encore plus grande.

Un programme médiatique socialiste

C’est également de la poudre aux yeux de défendre la SSR en tant que garante d’une couverture médiatique indépendante et neutre, surtout lorsque cette défense doit être payée avec la redevance Billag anti-sociale. La SSR a été et continue d’être un appendice de l’Etat bourgeois et non une réalisation de gauche. Une véritable couverture médiatique dans l’intérêt de la majorité de la société ne serait possible que si les groupes de médias privés étaient dépossédés de leur monopole sur la formation d’opinion. Ce n’est que lorsque les employé-e-s des journaux et l’ensemble de la population décident démocratiquement du contenu des programmes et des articles qu’un reportage « indépendant et neutre » (c’est-à-dire sans intérêts de profit) peut devenir réalité. La SSR, quant à elle, n’est ni véritablement contrôlée démocratiquement ni entièrement détenue par l’Etat. Un contre-programme combinant la haine de Billag et la politique socialiste devrait donc également inclure un contre-programme de la SSR : la socialisation des médias sous le contrôle démocratique des salarié-e-s, financée par l’imposition progressive du capital, des hauts revenus et des actifs au lieu de redevances anti-sociales.

Non à l’initiative No-Billag, non aux privatisations !
Non à la redevance anti-sociale de la Billag !
Pour la socialisation des grandes entreprises médiatiques sous contrôle ouvrier démocratique !

La rédaction