Cette déclaration de la Tendance Marxiste Internationale montre comment le capitalisme a été incapable de gérer la crise du coronavirus, et comment il met en danger la vie de millions de personnes. Dans une telle situation, les demi-mesures et le rafistolage du système sont futiles. Seules des mesures drastiques pourront éviter la catastrophe imminente.


Le monde est confronté à une catastrophe imminente. La vie de centaines de milliers de personnes – peut-être de millions – est menacée. Même dans les pays les plus riches, dotés d’un système de santé moderne, on approche du point de rupture. Mais dans les pays les plus pauvres, c’est un cauchemar inouï qui se profile, si rien n’est fait.

En Inde et au Nigéria – sans parler des pays déchirés par la guerre, tels la Syrie, le Yémen et la Somalie –, des millions de personnes vivent dans des camps et des bidonvilles surpeuplés, sans eau propre ni soins médicaux. Dans de telles conditions, parler de « distanciation sociale » et de « confinement » sonne comme une mauvaise plaisanterie.

Face à cette crise, les demi-mesures et les bricolages sont futiles. Pour éviter la catastrophe imminente, il faut des mesures drastiques. La faillite du système capitaliste est patente ; ce système menace l’humanité. Il est temps que les travailleurs prennent leur destinée en main.

La pandémie de COVID-19 a précipité une crise économique mondiale dont tous les éléments étaient réunis. Le processus connait une accélération brutale. Les marchés boursiers sont en pleine débâcle.

De nombreuses entreprises font faillite. Des millions de travailleurs perdent – ou vont perdre – leur emploi. Par exemple, des économistes prévoient un taux de chômage de 20 % aux Etats-Unis, à court terme. Il ne s’agira pas d’une crise économique cyclique, mais d’une profonde dépression, comme dans les années 30.

N’oublions pas que la dépression des années 30 a ouvert une période de révolutions, de contre-révolutions et de guerres. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en guerre au sens militaire du terme, mais tous les dirigeants politiques comparent la situation à une guerre. Si c’est le cas, alors la classe ouvrière doit agir en conséquence.

Dans un premier temps, les gouvernements ont minimisé l’épidémie. Les classes dirigeantes ne se préoccupaient pas de la santé des masses, mais du maintien à tout prix de la production. Leur souci n’était pas de sauver des vies, mais de sauvegarder les profits des banques et des multinationales.

C’est cela – et rien d’autre – qui explique leurs négligences criminelles. Ils ont été incapables de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour sauver des vies humaines. Tout ceci éclaire le gouffre entre les riches et les pauvres, les exploiteurs et les exploités. A présent, les gouvernements tâchent de rattraper le temps perdu. Mais c’est trop peu et trop tard. Ils ont laissé le virus se répandre comme un feu de forêt, avec des conséquences dramatiques sur la vie des masses et sur l’économie mondiale.

De nombreux travailleurs sont confrontés à un horrible dilemme – entre préserver leur santé et garantir leurs revenus. Des centaines de milliers de salariés, bientôt des millions, perdent leur emploi. Ces travailleurs soudainement privés de leurs revenus vont lutter pour nourrir leur famille, payer leur loyer et leur crédit, tout en étant menacés par la maladie.

Dans le monde entier, des millions de personnes qui, habituellement, ne s’intéressaient pas à la politique, scrutent désormais anxieusement ce que font et proposent les gouvernements, les différents partis et les capitalistes. Très vite, il leur apparaît évident que les gouvernements et les classes dirigeantes ne font pas ce qui est nécessaire. Dans ce contexte, la conscience des masses peut évoluer à une très grande vitesse.

Le confinement des populations se généralise, à des degrés divers selon les pays. Les gouvernements demandent aux gens d’éviter tout déplacement non essentiel, tout regroupement, etc. Mais dans le même temps, ils demandent à des millions de salariés de se rendre à leur travail, d’utiliser des transports en commun plus ou moins bondés, et de travailler les uns à côté des autres. Ceci expose ces salariés – et leur famille – au risque d’être contaminés. Tout cela pour sauvegarder les profits capitalistes.

Cette situation a un énorme impact sur la conscience des masses. Les travailleurs veulent des réponses – maintenant. La question est donc posée : que faire ?

Le capitalisme nuit sérieusement à la santé

Cette crise souligne que le capitalisme est incompatible avec la santé de milliards d’êtres humains. Des décennies d’austérité ont décimé les systèmes de santé publique, partout. Dans les pays où existait un bon système de santé publique, il a été systématiquement attaqué. Les budgets ont été coupés ; de nombreux services ont été privatisés.

Dans les hôpitaux, le nombre de lits disponibles a été systématiquement réduit, notamment dans les unités de soins intensifs. Les gouvernements ont aussi supprimé des milliers de postes de soignants. En conséquence, le personnel médical et paramédical est chroniquement débordé (il l’était avant la crise actuelle).

L’objectif de ces politiques d’austérité était de pousser les gens à se tourner vers le secteur privé : la santé est une énorme source de profits. Les grandes multinationales du secteur pharmaceutique, notamment, s’enrichissent sur le dos des malades et des personnes âgées.

Tout ceci doit s’arrêter ! La santé des hommes et des femmes ne peut pas être soumise à la course aux profits. Les intérêts privés n’ont rien à faire dans ce secteur, qui doit être intégralement nationalisé, sans indemnisation des actionnaires. C’est la condition préalable à une augmentation massive des dépenses de santé publique, pour mettre celles-ci au niveau des besoins immédiats, face à la crise actuelle, et pour garantir une santé publique moderne et de qualité. Les traitements et les médicaments les plus performants doivent être accessibles à toute la population, gratuitement.

Pour résoudre les problèmes immédiats en termes de lits, les grands hôtels et les luxueux logements vides doivent être immédiatement réquisitionnés, pour être transformés en hôpitaux (une telle mesure a été prise en Grande-Bretagne en temps de guerre). Dans le même temps, un vaste plan de construction et d’extension d’hôpitaux doit être lancé. Pour payer un tel plan, il faut puiser dans le budget affecté aux dépenses militaires.

Il faut lancer un plan d’urgence de recrutement et de formation d’infirmiers, d’aides-soignants, de docteurs, d’ambulanciers et d’autres personnels médicaux ou paramédicaux. Ils doivent être correctement rémunérés et travailler un nombre d’heures décent, de façon à mettre fin au scandale actuel, qui voit le personnel soignant travailler jusqu’à épuisement, faute d’effectifs suffisants.

On nous répondra qu’il n’y a pas assez d’argent pour cela. Mais l’histoire nous enseigne qu’il y a TOUJOURS assez d’argent lorsqu’il s’agit de remplir les poches des plus riches. Depuis dix ans, c’est l’austérité pour les pauvres, mais les banquiers reçoivent toutes sortes de subventions et d’allègements d’impôts. Or ce sont ces mêmes banquiers qui ont provoqué la crise de 2008. A présent, l’histoire se répète. D’énormes quantités d’argent public sont mises à la disposition des grandes entreprises privées, pendant que des millions de travailleurs vivent dans la peur et la pauvreté.

Les entreprises du secteur pharmaceutique, qui réalisent des profits obscènes, doivent être expropriées et intégrées au secteur public. Leurs recherches doivent être subordonnées aux véritables besoins de la société – et non à la course au profit maximal. Aucun brevet ne doit limiter la production et la coopération entre centres de recherches, aux niveaux national et international. Cette coopération accélèrera énormément le développement de nouveaux médicaments, qui devront être gratuitement disponibles pour quiconque en aura besoin.

En prenant immédiatement de telles mesures, on pourra nettement atténuer les pires effets de la crise actuelle – et garantir que de telles crises ne soient plus possibles à l’avenir.

Pour le contrôle ouvrier !

Si les mesures de distanciation sociales sont utiles pour combattre le virus, elles doivent s’appliquer strictement à TOUS les aspects de la vie – et en particulier dans les entreprises. Puisque les gouvernements insistent sur le caractère d’urgence de la situation, alors des mesures d’urgence sont nécessaires.

Les capitalistes ont montré qu’ils étaient complètement incapables de jouer un rôle progressiste. Avec le soutien des Etats et des politiciens bourgeois, ils poussent les travailleurs à travailler comme avant – y compris dans les secteurs qui ne sont pas essentiels. Or cela mine tous les efforts pour combattre la propagation du virus. En conséquence, des grèves éclatent dans différents pays, à l’initiative de salariés dont les conditions de travail les exposent – eux et leur famille – au risque d’être contaminés. Dans plusieurs pays (en Italie, en Espagne et en Amérique du Nord), des travailleurs ont réussi à imposer la fermeture d’usines, au moins pendant un certain temps.

Ceci souligne le pouvoir de la classe ouvrière, dès lorsqu’elle est organisée et consciente de sa propre force. Face à l’attitude irresponsable du patronat, les marxistes avancent le mot d’ordre de « contrôle ouvrier ». Tous les comités de grève doivent être transformés en comités d’usine permanents – de façon à contrôler et, si nécessaire, à faire obstacle aux actions des patrons et managers du site.

Toute production non essentielle doit être arrêtée. Les travailleurs de ces secteurs doivent rester chez eux et recevoir l’intégralité de leur salaire, aussi longtemps qu’il le faudra. Et c’est aux patrons de payer. S’ils disent qu’ils ne peuvent pas payer, qu’ils ouvrent leurs comptes à l’inspection des syndicats et des représentants élus des travailleurs. En réalité, les plus grandes entreprises sont assises sur des montagnes de cash, qui doivent être utilisées au profit de ceux qui, par leur travail, créent toutes les richesses.

Dans les secteurs essentiels, qui ne peuvent pas être arrêtés, l’organisation du travail doit être modifiée de façon à permettre la distanciation sociale nécessaire. Les travailleurs en question doivent recevoir tous les équipements appropriés : masques, visières, gants, etc. Les surfaces de travail doivent être régulièrement désinfectées et les salariés doivent être régulièrement testés. Les travailleurs affectés à des postes qui ne sont pas essentiels doivent rester chez eux.

Les comités de travailleurs doivent contrôler qu’aucun d’entre eux ne sera licencié sous prétexte de crise sanitaire. Lorsque des entreprises licencient, ou sont menacées de fermeture, elles doivent être expropriées et placées sous l’administration démocratique des salariés.

Les chômeurs et les travailleurs précaires seront durement frappés par cette crise. L’Etat doit leur verser l’équivalent du salaire minimum. Ceci dit, nous rejetons le financement de telles mesures par le creusement des déficits publics, dont l’addition serait présentée à toute la classe ouvrière sous la forme de mesures d’austérité et d’augmentation d’impôts. Les mesures d’urgence doivent être financées en expropriant les banques et autres entreprises du secteur financier.

En ces temps de baisse de la production, il faut partager le travail, introduire des systèmes de rotation, réduire la semaine de travail. Graduellement, on peut inclure dans un tel système tous ceux qui sont au chômage aujourd’hui, de façon à réduire au strict minimum le temps de travail de chacun.

Pas de licenciements ! Pour une échelle mobile des heures de travail ! Ouvrons les livres de compte des capitalistes !

La classe ouvrière doit prendre les choses en main

Soyons clairs : le système capitaliste traverse une crise existentielle. Il n’est plus capable de garantir aux travailleurs la sécurité, un emploi, un salaire et un logement. Ceci a des implications révolutionnaires.

Plus que du virus, les capitalistes ont peur d’un mouvement indépendant de la classe ouvrière. Ils ont peur que les travailleurs prennent les choses en main. A Wuhan, en Chine, les travailleurs organisaient eux-mêmes des barrages dans les quartiers, et prenaient d’autres initiatives. L’Etat chinois a dû intervenir pour ne pas perdre le contrôle de la situation.

En Italie, des travailleurs ont fait grève et ont commencé à prendre en main l’organisation de la production. En Grande-Bretagne, l’inaction criminelle du gouvernement a suscité la création d’organisations de quartier chargées d’organiser la distribution de nourriture et la sécurité générale. En Iran, face à l’inaction du régime, le peuple a organisé la mise en quarantaine de certaines villes.

Ces exemples sont des embryons de pouvoir ouvrier, qui se développent spontanément en réaction à la crise du capitalisme. Il est clair que la classe dirigeante est incapable de répondre à la crise d’une façon adéquate. Face à l’inaction des classes dirigeantes, comme en Suède, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, des comités de quartier et de travailleurs doivent se constituer pour prendre en charge les différents aspects de cette crise.

En France et en Italie, l’Etat a fini par prendre des mesures de confinement. La masse de la population accepte ces mesures. Cependant, les travailleurs savent bien que ces mesures de plus en plus strictes sont décidées par ceux-là mêmes qui ont perdu énormément de temps au début de la pandémie. La confiance dans les gouvernements s’est effondrée, à juste titre.

Les mesures prises par les Etats visent à stabiliser la situation, mais elles peuvent aussi servir à contrôler les masses. Elles contiennent un élément anti-démocratique évident. Bien sûr, les gens soutiennent la présence d’un plus grand nombre de policiers dans les rues, pour faire appliquer le confinement. Mais n’oublions pas que ces policiers peuvent aller au-delà de cette fonction. En Italie, par exemple, des policiers sont intervenus sur des piquets de grève et ont arrêté des travailleurs qui luttaient pour des mesures de sécurité sanitaire dans leur entreprise. Aussi disons-nous aux travailleurs qu’ils ne peuvent vraiment compter que sur leurs propres forces– et non dans les gouvernements, qui n’ont cessé de montrer qu’ils s’intéressaient d’abord aux profits, quitte à aggraver la crise actuelle.

Les comités de quartier et de travailleurs doivent être liés au niveau local et national, de façon à organiser un confinement complet. De tels comités auraient beaucoup plus d’autorité que le gouvernement pour faire respecter leurs décisions démocratiques, limiter les déplacements, organiser la distribution de nourriture (notamment aux personnes âgées, malades, etc.), contrôler les prix des marchandises (contre la spéculation), mais aussi garantir la sécurité des rues face aux éléments criminels qui voudraient profiter de la situation.

Au Chili, les syndicats ont annoncé qu’à défaut d’un confinement généralisé décrété par le gouvernement, ils le mettraient en œuvre eux-mêmes, sous la forme d’une « grève humanitaire » (à l’exception des secteurs essentiels). Ceci n’a pas échappé aux stratèges du Capital, qui prennent conscience des implications révolutionnaires de la situation. Ils feront tout pour entraver ce processus.

Garantir la distribution de nourriture

Des millions de gens réalisant que la pandémie provoque une situation d’urgence, nous assistons à des scènes de panique pour acheter des provisions. Qu’est-ce cela reflète ? Que les gens sont terrifiés par la nouvelle situation – et qu’ils ne font pas confiance aux autorités ou au « marché » pour les aider.

Cependant, ceci a parfois provoqué une situation de pénurie dans des magasins alimentaires, ce qui conduit à des cas de spéculation : des magasins en profitent pour augmenter les prix de denrées essentielles. Cela ne peut qu’aggraver encore la situation déjà difficile. Des comités de quartier démocratiquement élus auront le pouvoir de surveiller les prix et, si nécessaire, d’imposer des contrôles des prix. Si cela n’est pas fait, au plus fort de la pénurie, les plus pauvres seront dans l’incapacité d’acheter ce dont ils ont besoin.

Les personnes âgées et vulnérables auront des difficultés à s’en sortir. On leur demande de se confiner, mais on ne leur distribue pas de biens de première nécessité. Nombreux sont mis en danger et devrons sortir pour acheter ce dont ils ont besoin.

Nous devons exiger que la distribution de nourriture soit organisée dans tous les foyers, de façon à réduire les déplacements dans les magasins. L’organisation spontanée de groupes de quartier, qui sortent à la recherche des gens dans le besoin et s’organisent pour les aider, confirme que la masse des gens ne sont pas des individualistes cupides, mais que dans les moments difficiles ils sont prêts à faire bloc pour aider ceux dans le besoin.

Cependant, ces comités de quartier doivent être aidés pour être pleinement efficaces. Ils ont besoin de moyen de transport, d’équipements de sécurité, et d’une formation pour approcher les gens vulnérables qui sont confinés.

Il faut des cantines communes pour fournir des plats préparés, en particulier pour les personnes âgées et handicapées. Alors que des chaines de restaurants et des bars ferment et licencient, nous demandons leur expropriation pour satisfaire les besoins de nourriture des communautés. Cela garantirait les emplois dans ces chaines, et en même temps rendrait fonctionnelles les ressources dont on a urgemment besoin. Ceci doit être lié aux comités de quartiers.

Pour un système de transports publics intégrés

Les endroits où le risque de contagion est le plus élevé sont les bus, les trains et les métros bondés. Au début de la pandémie, des millions de travailleurs ont voyagé les uns contre les autres, accroissant énormément la propagation du virus.

Quand il est devenu évident que de telles conditions étaient dangereuses, de nombreuses personnes ont cessé de se déplacer inutilement. Ceux qui peuvent travailler chez eux ont commencé à le faire. Cela a réduit l’affluence dans les transports, mais ne l’a pas éliminée.

La réaction des entreprises de transport fut de réduire le service et de suspendre certaines destinations, etc. Ainsi, en réduisant les services disponibles au moment précis où nous avons besoin de distance sociale, celle-ci devient ingérable.

Ici, encore une fois, le critère est la rentabilité. C’est inacceptable. Toutes les entreprises de transport devraient être immédiatement réquisitionnées par l’Etat, sans compensation, et intégrées dans un seul service de transport national. Nombre de ces entreprises étaient auparavant propriété publique de l’Etat ou de collectivités locales. Elles devraient être renationalisées et utilisées pour répondre aux besoins – et non à la soif de profits. Les usagers des transports ont besoin de plus d’espace pour se déplacer en sécurité.

Les travailleurs des transports doivent être protégés, ce qui est impossible s’ils travaillent dans des transports bondés. Le personnel des transports a également besoin des équipements de protection nécessaires – masques, visières, gants, etc. –, et le service de nettoyage devrait être étendu massivement pour assurer le nettoyage en profondeur. Les services de nettoyage devraient aussi être réintégrés aux entreprises. Ces travailleurs devraient recevoir un salaire décent et avoir le droit de se syndiquer.

La crise du logement

De nombreux travailleurs perdent leur travail alors qu’ils ont des loyers élevés ou de gros emprunts, en particulier parmi les générations les plus jeunes. Si les choses restaient en l’état, beaucoup devraient faire face à des saisies et des expulsions. Dans plusieurs pays, les gouvernements ont demandé aux banques des « congés hypothécaires », c’est-à-dire de différer les paiements des crédits de plusieurs mois. Malheureusement, ce n’est toujours pas le cas concernant les loyers, qui devraient également être gelés durant de la crise.

Nous devons ajouter que les « congés hypothécaires » ont été introduits pour protéger les banques, car s’il y avait une grande vague d’impayés, cela pourrait techniquement pousser les banques à la faillite. Comme toujours, une mesure qui apparemment est prise dans l’intérêt des travailleurs, sous le capitalisme, peut avoir une motivation bien différente.

Néanmoins, la suspension des remboursements d’emprunts donne un peu de répit. Cependant, à long terme, cela n’élimine pas complètement les remboursements. Tôt ou tard, on demandera de payer. Une fois la crise passée, les travailleurs qui auront encore un emploi devront faire de plus gros remboursements. Toutefois, cette crise aura des effets économiques à long terme. Des conditions de vie plus difficiles, un chômage de masse et la pauvreté sont tout ce que le capitalisme a à offrir une fois que la pandémie sera passée.

Par conséquent, pour éviter qu’un grand nombre de familles perdent leur logement, nous demandons que les banques annulent une part de la dette sur les prêts immobiliers. C’est le seul moyen de résoudre le problème. Les banques ont été soutenues avec de l’argent public pendant 10 ans – et elles ont réalisé d’énormes profits dans la dernière période. S’il est vrai que nous sommes tous dans le même bateau, alors les banques devraient payer leur part.

D’autres travailleurs louent un logement et risquent d’être expulsés s’ils ne peuvent plus payer leurs loyers. Dans certains pays, des interdictions temporaires d’expulsions ont été décidées. Elles sont bienvenues, mais ne vont pas assez loin pour protéger les gens. Les propriétaires ont les moyens de mettre la pression sur les locataires. L’un d’eux est d’augmenter le loyer pour le rendre inabordable et forcer le locataire à partir. Par conséquent, il devrait aussi y avoir un gel des loyers et un congé de loyer imposé immédiatement, jusqu’à la fin de la crise. Les comités de quartier devraient aussi jouer un rôle dans ce domaine, en supervisant la situation et intervenant pour empêcher les augmentations de loyer et les expulsions.

Cette situation montre également un autre problème à long terme. La raison pour laquelle les propriétaires se comportent de la sorte est due à la pénurie chronique de logements sociaux. Par le passé, la proportion de logements municipaux publics par rapport aux logements privés était bien plus élevée. Les familles de la classe ouvrière pouvaient être logées dans des logements relativement moins chers. Pendant des décennies, la politique de la plupart des pays a consisté à privatiser, à vendre le parc de logements publics et à pousser les gens à devenir propriétaires-occupants.

Ce qu’il faut maintenant, c’est un programme accéléré de construction de logements sociaux pour répondre à la demande, en offrant des loyers abordables. Dans le même temps, de nombreuses maisons et appartements restent vides à cause de la spéculation. Dans ce cas, ces propriétés devraient être expropriées et ajoutées au parc de logements sociaux. Une fois mis en place, un tel programme contribuerait grandement à atténuer la situation actuelle de pénurie chronique de logements et de loyers exorbitants.

Droits démocratiques

Partout dans le monde, les gouvernements prennent des mesures d’urgence pour gérer la crise. Bien sûr, nous sommes favorables à la réquisition des ressources privées, à l’expropriation des hôpitaux privés, à la récupération des usines produisant du matériel de protection individuelle.

Le problème est que les gouvernements capitalistes utilisent la crise sanitaire pour limiter les droits démocratiques, par exemple en interdisant les grèves ou en restreignant les libertés politiques, la liberté d’expression, et en faisant descendre l’armée dans la rue.

Ces mesures n’ont rien à voir avec la gestion de la pandémie et doivent être combattues. Les travailleurs ont besoin du droit de grève pour se protéger des patrons qui mettent leur vie et leur sécurité en danger. Nous avons besoin de la liberté d’expression pour dénoncer l’impitoyable indifférence des gouvernements capitalistes envers la vie humaine.

Ainsi, tandis que tous les efforts doivent être faits pour s’assurer des mesures les plus efficaces dans la lutte contre la propagation du virus, nous ne devons pas permettre aux capitalistes d’exploiter l’urgence actuelle pour limiter les droits démocratiques pour lesquels des générations de travailleurs se sont battues.

Nationalisations

Pendant des années, les bourgeois n’ont eu que le mot « privatisation » à la bouche. De larges entreprises d’Etat ont été démantelées et vendues au rabais. Le concept même de nationalisation a été ridiculisé, comme appartenant à un lointain passé. Et maintenant, soudainement, tout a changé.

Reconnaissant clairement l’incapacité du capitalisme à gérer la crise actuelle, certains gouvernements réquisitionnent des hôpitaux privés pour que l’Etat puisse les intégrer à ses plans d’urgence. En parallèle, de nombreux gouvernements ont déclaré être prêts à nationaliser toute grande entreprise qui pourrait faire faillite dans la période à venir.

Un bon exemple en est la déclaration du ministre français des Finances, Bruno Le Maire : « Tous les moyens à disposition seront utilisés pour protéger les grandes entreprises françaises, y compris des opérations de prise de participation et même de nationalisations, si nécessaire. »

Les réformistes droitiers, qui, jusqu’à récemment, jouaient à qui plaiderait le plus fort possible contre les nationalisations, ont également été obligés de changer leur fusil d’épaule.

Soyons clairs : ce qu’ils appellent « nationalisation » est en réalité un sauvetage financier. Les propriétaires capitalistes vont être aidés financièrement, ce qui ne représente en réalité qu’une nouvelle façon de transférer de l’argent public dans des poches privées. Une fois que cet argent aura été utilisé pour remettre ces entreprises à flot, elles seront revendues aux capitalistes à des prix ridiculement bas. C’est une autre façon de faire payer la crise aux travailleurs.

Nous ne pouvons pas accepter cette forme de nationalisation. Ce n’est pas aux travailleurs de payer pour le chaos produit par les capitalistes. Ce qu’il faut, c’est une expropriation sans compensation. Nous appelons également à l’éviction des dirigeants de ces entreprises et à leur remplacement par un contrôle et une gestion démocratiques, par les travailleurs eux-mêmes.

Le rôle du mouvement ouvrier

Les dirigeants du mouvement ouvrier s’avèrent incapables de faire face sérieusement à la situation. En Italie, par exemple, les dirigeants syndicaux ont totalement collaboré avec les patrons et le gouvernement en insistant pour que la production ne s’arrête pas. Leur principal critère n’a pas été la sécurité des travailleurs, mais le maintien de la production, par peur d’un effondrement économique.

Les travailleurs italiens voyaient pourtant les choses différemment. Pour eux, il s’agissait d’abord de sauver des vies. Ils ont commencé à lancer des grèves après avoir échoué à convaincre les patrons de fermer les usines pour réorganiser le travail d’une façon plus sûre. Ce n’est que quand les travailleurs ont commencé à se lancer dans de telles actions que les directions syndicales ont changé de position. Elles ne dirigent rien.

En Grande-Bretagne, le Parti travailliste a arrêté toutes ses activités, alors que la technologie actuelle permet de les continuer en temps de pandémie. Partout, la plupart des dirigeants du mouvement ouvrier se sont rangés derrière les mauvais plans de la classe dirigeante. Il faut que cela cesse. Ils doivent préparer un plan d’action pour les travailleurs, en mobilisant dans les quartiers et dans les usines. Les dirigeants pourraient ainsi changer rapidement le cours des choses. Leur refus d’agir indique clairement qu’ils ont capitulé face aux capitalistes, précisément quand ces derniers entrent dans une de leurs crises les plus profondes.

Il faut que les organisations ouvrières se secouent radicalement. Ceci veut dire que les syndicats doivent être placés sous le contrôle direct de leurs adhérents. Les dirigeants syndicaux ne doivent pas gagner plus que les travailleurs qu’ils représentent. Ils doivent gagner le salaire moyen des travailleurs – et être soumis à un système de révocation s’ils n’obéissent pas aux décisions prises démocratiquement par leurs adhérents.

Ceci s’applique également aux partis ouvriers. Ils doivent être transformés, en commençant par la mise en place d’un processus complètement démocratique de sélection des dirigeants. Dans les pays où aucun parti des travailleurs n’existe, comme les Etats-Unis, il est du devoir du mouvement ouvrier organisé d’en créer un.

Où trouver l’argent nécessaire ?

Nombreux sont ceux qui trouveront les demandes ci-dessus raisonnables, mais qui poseront la question suivante : comment payer pour tout ceci ? On nous dit qu’il n’y a pas assez d’argent pour financer toutes ces mesures. Mais ceci est clairement faux.

La Réserve Fédérale américaine et la Banque Centrale Européenne ont annoncé l’injection de milliards de dollars et d’euros dans l’économie. En Grande-Bretagne, le gouvernement a annoncé une « couverture » de 350 milliards de livres, soit l’équivalent de 15 % du PIB. En Italie, en France, en Espagne, en Allemagne, des annonces similaires ont été faites.

Quand ils font face à un Armageddon économique, ils trouvent tout d’un coup les ressources nécessaires… Malheureusement, la plus grande partie de cet argent va aux capitalistes, pas au système de santé ou aux travailleurs. En outre, cela ne fait qu’aggraver la dette publique, déjà très élevée. Plus tard, c’est aux travailleurs que l’on demandera de faire des sacrifices pour résorber cette dette.

Cependant, il existe une autre source d’immenses richesses. Aux Etats-Unis, par exemple, 1 % des ménages les plus riches – environ 1,2 million de familles – possédait une fortune totale nette de 35 000 milliards de dollars, en 2019. Une étude de l’Institut des comptables d’Angleterre et du Pays de Galles de 2017 a révélé que, « alors que de nombreuses personnes doivent se serrer la ceinture, deux tiers des entreprises du Royaume-Uni ont un excédent de liquidités ».

Mais pire encore : depuis lors, le niveau des dépôts et de réserves d’argent des entreprises du Royaume-Uni a augmenté ! Les dépôts ont augmenté de 8 % en 2018, soit un bond de 51 % en 5 ans. Selon le Crédit Suisse, les 1 % les plus riches du globe possèdent environ 50 % de la richesse mondiale, alors qu’en bas de l’échelle, la moitié des adultes possède moins que 1 % de la richesse mondiale.

En ces temps de crise, cette immense richesse, créée par des millions de travailleurs, pourrait permettre de financer les mesures nécessaires à la lutte contre la propagation du COVID-19 – et de mettre en place des structures et des ressources afin de préparer la société à l’irruption de futures maladies.

Il ne serait pas déraisonnable d’imposer une taxe d’urgence de 10 % ou 20 % sur ces fortunes. Toute compagnie ou capitaliste individuel qui refuserait de collaborer serait exproprié, verrait ses biens confisqués et ses ressources mises à disposition de l’Etat. En outre, les banques qui ont été massivement sauvées par les Etats devraient être nationalisées, sans compensation, et intégrées au sein d’une banque nationale publique. La même chose vaut pour les compagnies d’assurance.

Si de telles mesures étaient prises par les gouvernements partout dans le monde, il n’y aurait pas d’augmentation de la dette publique, ni de mesures d’austérité quelque temps plus tard. Il n’y aurait pas de pénurie de ressources pour construire des hôpitaux, investir dans la recherche pharmaceutique, construire des logements et garantir un revenu décent pour tous les chômeurs.

Pour un gouvernement des travailleurs !

En Grande-Bretagne, il est clair que le gouvernement des Tories était prêt à voir des centaines de milliers de personnes mourir plutôt que de prendre les mesures nécessaires et d’investir en conséquence. Aux Etats-Unis, Trump s’est comporté d’une manière semblable. Même en Italie, premier endroit en Europe où le virus s’est largement répandu, le critère qui a conditionné l’action des gouvernements a été la rentabilité.

Nous ne pouvons confier à ces gens la vie de millions de travailleurs. On nous dit qu’il n’est pas l’heure de soulever des divergences politiques, que nous devons tous nous unir. Le nationalisme et le patriotisme sont vantés partout. On nous dit que nous sommes tous dans le même bateau. Mais c’est complètement faux. Ceux auxquels on demande de payer pour la crise sont ceux qui le peuvent le moins, les travailleurs, les jeunes et les personnes âgées.

Nous avons besoin de gouvernements qui représentent les intérêts de la classe ouvrière partout dans le monde. Le programme que nous avons détaillé ci-dessus ne pourra être mis en œuvre que par des partis et des dirigeants qui représentent les travailleurs et leurs intérêts. En mettant au pouvoir des gouvernements de travailleurs dans tous les pays, nous pourrions enfin utiliser les immenses ressources disponibles à l’échelle mondiale et mettre en place une véritable réponse à la crise actuelle.

Internationalisme et coopération ouvrière

Au XXIe siècle, il y a deux obstacles fondamentaux au développement des forces productives : la propriété privée des moyens de production et l’Etat-nation. La crise actuelle en est une preuve flagrante.

L’économie de marché a complètement échoué. La recherche du profit met en danger des millions de vies. Il est temps d’y mettre fin ! Nous avons besoin d’une économie publique et planifiée. Le contrôle et la gestion démocratiques, par les travailleurs, doivent être introduits pour superviser la production.

Dans une telle économie, les ressources pourraient être rapidement réallouées pour répondre aux besoins du moment. La production pourrait être arrêtée sans avoir à prendre en compte les pertes de profits des propriétaires privés. Les travailleurs bloqués chez eux pourraient recevoir un salaire régulier. Personne ne risquerait une expulsion par son propriétaire. En résumé, cela voudrait dire l’introduction du socialisme à l’échelle mondiale. Les conditions sont mûres pour que cela devienne réalité.

Boris Johnson et d’autres politiciens bourgeois ont comparé la crise actuelle à une situation de guerre. Mais comment s’est comporté le gouvernement anglais durant la Deuxième Guerre mondiale ? Ont-ils dit : « Que le marché décide ! L’Etat ne doit pas intervenir ! » Non. Ils ont utilisé l’Etat pour centraliser la production, nationaliser l’industrie de guerre et introduire des mesures de planification centrale.

Evidemment, tout ceci n’a pas fait du Royaume-Uni un pays socialiste. Les banquiers et les capitalistes ont fermement gardé le contrôle. Mais ils ont été obligés d’introduire des mesures de planification et même de nationalisation, simplement car cela donnait de meilleurs résultats. Ainsi, en pratique, même les pires ennemis du socialisme ont admis la supériorité de la planification socialiste sur l’anarchie du marché.

La Chine actuelle est un pays capitaliste, sans le moindre doute. Mais c’est une forme particulière de capitalisme, qui garde certains éléments de planification centralisée et de contrôle national des entreprises. C’est un héritage du passé. Ce sont précisément ces éléments qui ont donné à la Chine un avantage considérable pour combattre la pandémie, avec des résultats remarquables, comme l’ont admis des commentateurs pourtant peu favorables au socialisme.

Les avantages que la Chine avait pour faire face à la situation à Wuhan comprenaient notamment la possibilité de fermer une immense zone avec 50 millions d’habitants, tout en utilisant les ressources du reste du pays pour leur venir en aide, notamment en envoyant des infirmières et des docteurs.

L’Italie a fait face à une situation complètement différente. Elle n’a reçu aucune aide du reste de l’Europe. Au contraire, des pays comme l’Allemagne ont bloqué l’exportation de leurs masques, selon un raisonnement extrêmement court-termiste et nationaliste. Les choses auraient pu se dérouler autrement avec une coordination internationale.

Il faut rappeler ici que les docteurs chinois présents actuellement en Italie sont d’accord sur ce qu’il conviendrait de faire. Ils ont pu observer ce qui a été fait dans leur pays et à Wuhan pour combattre le virus : selon eux, il y a encore trop de mouvement dans les rues. Cela confirme ce que nous avons dit depuis l’éruption de ce virus : toute la production non essentielle doit être arrêtée.

L’Italie aurait pu être complètement isolée, et le reste de l’Europe aurait pu envoyer le matériel et les ressources humaines pour combattre la propagation du virus. La période de confinement aurait ainsi été plus courte et plus efficace. Au lieu de cela, chaque Etat-membre de l’Union Européenne a agi de son propre chef, de différentes manières et à des vitesses différentes.

En conséquence, le virus s’est propagé bien plus rapidement en Italie, ce qui a été un facteur de son déploiement en Europe. Maintenant, toute l’Europe est dans la situation italienne, ce qui n’était pas du tout inévitable.

Cela montre la réelle nature de l’Union Européenne : elle ne défend que les intérêts des grandes entreprises capitalistes. Quand il s’agit d’imposer l’austérité en Grèce ou en Italie, il y a toujours les moyens. Mais quand il s’agit de sauver des millions de vies, l’UE n’est pas seulement inutile : elle aggrave la situation. Cela prouve l’échec du capitalisme.

Certains analystes bourgeois arrivent donc à la conclusion que leur système est voué à l’échec. Par exemple, le journal The Australian magazine a récemment écrit : « Macquarie Wealth Management, le bras boursier du cœur du capitalisme australien, le Macquarie Group, a mis en garde que “le capitalisme conventionnel est à l’agonie” et que le monde avance vers “ce qui sera plus proche d’une sorte de communisme”. »

Comme ces mots sont justes ! Il nous faut un effort mondial pour combattre les dangers auxquels l’humanité fait face aujourd’hui. Or cet effort est impossible quand tout est subordonné à la recherche du profit par une poignée de capitalistes qui possèdent les moyens de production. Il nous faut une production subordonnée à la satisfaction des besoins.

Nombreux sont ceux qui se rendent compte, désormais, que la soi-disant économie de marché est complètement incapable de répondre aux besoins suscités par la crise actuelle. Ils se rendent également compte qu’un plan de production international n’est pas possible dans le système actuel. On ne peut plus faire l’impasse sur la question du socialisme. Bien sûr, quand nous disons « socialisme », nous ne faisons pas référence aux caricatures totalitaires et bureaucratiques qui ont existé en URSS ou dans la Chine maoïste. Le véritable socialisme est démocratique – ou n’est pas. Le véritable socialisme ne peut être atteint que par une démocratie des travailleurs, avec une économie nationalisée et planifiée, sous le contrôle direct et la gestion des travailleurs.

La Tendance Marxiste Internationale combat pour ce socialisme dans tous les pays où elle est présente. Nous vous appelons à nous rejoindre dans ce combat, pour fournir à la classe ouvrière et à la jeunesse le programme et les politiques qui sont nécessaires pour sortir l’humanité du marécage dans lequel le capitalisme l’a traînée. A défaut, le monde sera plongé dans une barbarie à une échelle encore plus grande que celle des années 1930.