Peu avant la rentrée, le Département de l’instruction publique (DIP) annonça diverses réformes visant en partie à durcir le parcours post-obligatoire. La réaction des élèves, à qui on en a demandé point d’opinion, ne s’est pas fait attendre. Voici un retour sur l’évolution de leur lutte.

Le spectre de l’austérité hante Genève

Alors que nombreux cantons font face à des coupes budgétaires dans l’éducation, Genève semble pour l’instant y échapper. Néanmoins, le manque de ressources pour l’éducation se fait ressentir. Il suffit de prendre l’exemple des Écoles de Culture Générale (ECG) avec des classes de plus d’une trentaine d’élèves jonglant entre divers bâtiments, dont certains d’une piètre qualité, faute d’avoir un seul et unique bâtiment. On peut aussi prendre l’exemple du Collège Rousseau où on manquait d’eau potable !

Aussi, la rentrée pour certains élèves de l’ECG Ella-Maillart a dû être retardée à cause de certains problèmes bureaucratiques.

Dans ce contexte, le DIP annonça ses projets pour la nouvelle rentrée. Il y a des bons points comme une meilleure insertion pour les étudiant-e-s handicapé-e-s. Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement sont les mesures proposées pour lutterparadoxalementcontre « l’échec scolaire » dans les collèges. Parmi ces mesures, la réduction du nombre de redoublements ainsi que le nombre de dérogations à un seul pour toute la scolarité. Aussi, l’extension de la règle des 16 (selon laquelle, il faut avoir au moins 4 en Maths, Français, Option Spécifique et 2e langue) est à présent étendue jusqu’à la deuxième année, sûrement dans l’objectif de prendre « la crème de la crème » comme on dirait en langage populaire. Enfin le délai pour pouvoir interrompre sa formation et soi-disant ne pas perdre de temps dans une formation inadéquate, est déplacée de fin janvier à fin septembre. Ce qui laisse un temps extrêmement réduit aux élèves (environ 5 semaines) pour pouvoir interrompre leur formation. Ces propositions qui visent à réduire le taux d’échec en évitant des parcours scolaires longs et fastidieux ne peuvent pas mieux encadrer les formations mais au contraire on force l’échec à apparaître plus tôt.

On se demande donc pourquoi cet acharnement envers le collège? Pourquoi pénaliser les collégien-ne-s sous le prétexte de vouloir mieux encadrer les formations ? Le collège offre une éducation de qualité mais son coût est évidemment plus cher que les autres formations. Au lieu de rendre plus attractif les autres formations en valorisant par exemple les apprentissages pour lesquelles pas seulement le nombre de places devraient être augmentées, mais aussi le contrôle des conditions rendu plus efficace ainsi que les salaires augmentés, le DIP durcit le collège pour forcer certains à le quitter et donc faire des économies. Anne Emery-Torracinta le dit ainsi : « 56% des jeunes suivent actuellement une voie professionnelle en dual [un apprentissage]; nous estimons que si 75% des jeunes se formaient en dual, le canton e?conomiserait chaque anne?e plus de quarante millions de francs. »(10.6.14 Assises de la formation professionnelle )

Les étudiant-e-s réagissent

Au vu de l’absence de réponse par les autres associations de collégien-ne-s, l’Association des Jeunes Engagés (AJE), composée en majorité par des élèves du collège Rousseau, a pointé du doigt cette problématique à la rentrée. Ils ont dans un premier temps informé les élèves de façon informelle sur ces nouvelles réformes en les convainquant à ne pas signer le règlement. Elle a ensuite convoqué à une séance d’information. Plus de trente élèves de divers établissements (collèges et ECG) étaient présents et ont pu discuter et faire part de leurs problèmes. Dans un premier temps, les problèmes dans les collèges furent discutés. Les élèves des ECG, en l’occurrence Ella-Maillart, ont ensuite manifesté leur préoccupation pour leur établissement et ont décidé de lancer trois pétitions notamment pour pouvoir avoir un seul bâtiment. Dans le but de pouvoir mieux se coordonner, un représentant par établissement présent fut choisi.

Une trentaine c’est peu diront certains pour le nombre de collégiens et d’élèves en général. Néanmoins ces couches avancées sauront attirer des couches plus larges des étudiant-e-s avec eux. On a pu le voir dans le rassemblement qui suivit la séance et qui fut convoqué par la même association devant le collège Rousseau. A peu près cent élèves y étaient présents et on peut souligner l’enthousiasme des assistants. Le syndicat des professeurs était également présent dans la lutte avec les collégien-ne-s. Une banderole était déployée où on pouvait lire « Ensemble contre une école élitiste ». Les élèves exclamaient à grande voix « A bas la réforme ». Une pétition exigeant le retrait des différents points concernant les collèges circulait également parmi les élèves.

Victoire partielle

Le lundi 8 septembre 2014, le DIP a annoncéles premières concessions – une légère retraite dans ces réformes. Les redoublements et les dérogations ne seront plus limitées à une seule pour les élèves de 2e et 3e année. Ceci est clairement une réponse au mouvement de contestation que nous avons organisé et montre d’une part qu’une réponse collective arrive à faire changer les choses et d’autre part que les collégien-ne-s ne sont pas des sujets passifs obéissant aveuglement les directives du DIP mais jugent bien nécessaire d’avoir leur mot à dire sur ce qui les concerne. Il faut par contre veiller à ce que ce première succès n’arrive pas à diviser le mouvement en favorisant seulementles élèves de 2ème et 3ème.

Nous avons encore un long chemin devant nous et la lutte n’est de loin pas finie. Il faut renforcer la démocratie du mouvement en augmentant la représentation des différentes volées mais aussi des différents établissements.

La continuation de la lutte ne peut être qu’une lutte contre le capitalisme

Ces problèmes, bien qu’ils nous paraissent comme étant sectoriels et donc concernant des cas isolés, en réalité s’inscrivent dans une logique plus large. Dans un système capitaliste, l’école est réduite à une machine à produire de la main d’œuvre qualifiée au patronat pour sa future exploitation. L’élève est réduit à un consommateur passif de cours qui obéit aveuglement à tout ce que l’on lui dicte, se tait et est obligé de s’efforcer pour obtenir un diplôme qui lui aidera ensuite à se vendre à un patron en échange d’un salaire. Il n’est jamais consulté pour quoi que ce soit et ses aspirations ne sont pas tenues en compte.

Ce mouvement contre les réformes du DIP n’est qu’un début. Nous, jeunes conscient-e-s devons continuer à lutter contre une école élitiste et exclusive et pour en faire une école participative et vraiment démocratique où la voix des jeunes est écoutée. Et car nous ne passons pas notre vie qu’à l’école, nous devons également lutter pour changer les choses à l’extérieur de celle-ci en luttant ensemble avec le reste des jeunes et des travailleur-se-s pour une société démocratique et participative libérée du joug du capital.

NON à une école élitiste et exclusive !

OUI à une école participative et démocratique !

Jeunes et travailleur-se-s, luttons ensemble contre le capitalisme et pour une société socialiste !