En mars 1919, la IIIe Internationale tenait son premier Congrès. Durant les quatre années suivantes, le « Parti mondial de la révolution socialiste » accomplit un travail considérable qui n’a rien perdu de sa pertinence. Que retenir de son histoire ?

Zimmerwald et Moscou

Lorsque la guerre éclate en 1914, la grande majorité des dirigeants de la IIe Internationale trahissent leurs engagements internationalistes et soutiennent leurs bourgeoisies respectives dans la boucherie impérialiste. Seules quelques organisations, dont le parti bolchevik russe, restent fidèles au marxisme et à l’internationalisme. En 1915, ils se réunissent à Zimmerwald pour proclamer leur opposition à la guerre. Deux ans plus tard, en octobre 1917, les bolcheviks prennent le pouvoir en Russie, donnant une forte impulsion au mouvement vers une nouvelle Internationale, appelée dès le début de la guerre par les bolcheviks.

L’expansion du capitalisme avant la guerre avait favorisé le réformisme et le nationalisme des dirigeants de la IIe Internationale. La guerre est un point de rupture : Dans la foulée d’octobre 1917, des PC se réclamant de la Révolution russe se constituent un peu partout en Europe. En même temps, des fractions communistes importantes émergent dans certains Partis Socialistes.

Le 2 mars 1919, 51 délégués représentant des partis et des petits groupes de 22 pays se retrouvent à Moscou pour une conférence préparatoire qui, de par l’enthousiasme général, devient le Congrès fondateur de l’IC.

Une internationale de masse

Le 1er Congrès a pour but de proclamer l’existence de l’Internationale Communiste, formuler ses principes fondamentaux et appeler les travailleurs à préparer la révolution. Son impact est mondial. En deux ans, l’IC s’étend à tous les continents et regroupe des petites organisations communistes et des partis de masse, comme ceux qui naissent en France et en Allemagne.

Ce succès de l’IC présente un danger : entraînés par le courant, des dirigeants réformistes et opportunistes veulent y adhérer. Pour les empêcher d’y entrer  et d’y semer la confusion, ses dirigeants font adopter, lors du Congrès mondial de 1920, les fameuses « 21 conditions». Elles s’assurèrent que les Partis membres adoptent des principes et des méthodes révolutionnaires, purgent leur direction des dirigeants social-chauvins et soient prêts à l’inévitable répression de l’appareil d’État capitaliste.

La question coloniale

Comme la plupart des partis de la IIIe internationale manquent d’expérience, les Congrès de l’IC sont de véritables écoles de stratégie et tactique révolutionnaires. Une question alors brûlante est celle de la lutte de libération nationale des peuples colonisés. Alors que la IIe Internationale n’avait même pas de position unifiée sur ce sujet, l’IC affirme que les classes ouvrières des pays impérialistes doivent soutenir la lutte de libération de tous les peuples opprimés, en concluant des alliances temporaires avec les démocrates bourgeois des peuples opprimés, mais sans jamais abandonner l’indépendance de classe du Parti communiste. L’abandon de ce principe, après la stalinisation, mènera notamment à l’échec de la révolution chinoise de 1925-1927.

« Gauchisme » et « Front unique »

Certaines organisations de l’IC sont imprégnées de gauchisme et refusent donc de travailler dans les syndicats, partis réformistes et parlements bourgeois. Or, après l’échec des révolutions hongroise (1919) et italienne (1920), le capitalisme européen parvient à se stabiliser temporairement. L’heure n’est pas à la conquête immédiate du pouvoir, mais d’abord à la patiente conquête des masses, y compris dans les organisations réformistes.

Lénine et Trotsky le martèlent : il faut d’abord gagner les masses, en proposant aux réformistes de lutter ensemble (le « front unique ») pour des objectifs concrets, pour leur démontrer que les communistes sont prêts à lutter pour toute amélioration de leurs conditions de vie. Et, par la même occasion, prouver que les dirigeants réformistes se dérobent à toute lutte sérieuse, qui implique de s’attaquer aux profits des capitalistes.

Les syndicats et les femmes

L’IC aborde aussi la question syndicale. Malgré la tendance des syndicats réformistes à fusionner avec l’État bourgeois, les travailleurs y adhèrent en masse. D’où l’importance, pour les communistes, de ne pas les déserter sous prétexte que leurs directions sont réformistes (comme le font les gauchistes). Ils doivent y mener un travail patient pour gagner au programme révolutionnaire les masses qui y adhèrent.

Enfin, concernant la question de la lutte pour l’émancipation des femmes, l’Internationale adopte une position qui est toujours d’actualité. L’oppression des femmes est une composante indissociable du capitalisme. Elle ne pourra pas être supprimée sans renverser l’exploitation de classe et construire une société socialiste. Il ne s’agit donc pas d’une question purement « féminine », mais d’un problème touchant l’ensemble de la classe ouvrière. Ce sujet n’est pas réservé à des organisations exclusivement féminines, mais concerne tout le parti.

Stalinisation

Au milieu des années 1920, l’échec les révolutions européennes et l’arriération économique de la Russie mènent à la dégénérescence bureaucratique de l’URSS. Pour ses nouveaux dirigeants, la révolution mondiale n’est plus une priorité. Ils adoptent même la perspective antimarxiste et antiléniniste du « socialisme dans un seul pays ». Pour la bureaucratie, l’IC doit servir ses intérêts de caste. Or, une opposition de gauche à Staline s’est développée en URSS (autour de Trotsky) et dans toute l’IC.

La direction bureaucratique doit donc mettre l’IC au pas. Elle la stalinise : Ceux qui soutiennent l’opposition ou qui sont trop indépendants sont exclus et remplacés par des bureaucrates. Du temps de Lénine (mort en 1924), l’IC tenait un Congrès mondial par an. Sous Staline, elle n’en organise que trois en dix ans. Et ce ne sont plus des lieux de débat: Le congrès de 1935 se déroule sans la moindre opposition et se contente d’approuver les décisions prises en amont par Staline et sa clique.

Aujourd’hui, les travailleurs ont plus que jamais besoin d’une Internationale révolutionnaire. Car chaque lutte « nationale » est liée aux autres par l’économie mondiale. Les travailleurs doivent apprendre les uns des autres, corriger leurs erreurs respectives et lutter ensemble contre l’ennemi commun. La leçon à tirer de l’histoire de la IIIe Internationale, c’est qu’il ne faut pas attendre que la révolution ait commencé pour construire le parti révolutionnaire, tant au niveau national qu’international. De 1920 à 1923, Lénine et Trotsky durent consacrer un temps précieux à l’éducation révolutionnaire des dirigeants des jeunes partis communistes,  temps non consacré à diriger les révolutions qui se développaient. C’est pourquoi nous devons construire dès aujourd’hui l’Internationale qui mènera les révolutions de demain à la victoire.