La campagne de votation sur la 1:12 se termine et nous laisse avec la question évidente : que faire maintenant ? Nous devons continuer à combattre les attaques des bourgeois de manière conséquente, mais comment continuer ? En tant que socialistes nous prônons une alternative au système capitaliste, mais comment l’atteindre ? Comment pouvons-nous rendre plausible notre alternative pour la jeunesse ? Ces questions, tout comme maintes autres, demandent une réponse de la Jeunesse Socialiste (JS). Elles exigent un programme d’action contre les attaques bourgeoises, contre les mesures d’austérité, contre la crise, et pour une alternative socialiste.

 

Sans aucun doute, l’initiative 1:12 a été un  énorme succès, et ceci quelque soit le résultat des votations. Après avoir été d’abord raillée, elle a, surtout ces deux dernières années, réussi à exprimer parfaitement l’exaspération des salariés contre les profiteurs. Durant la crise, on nous a dit que toutes et tous nous devions nous serrer la ceinture. C’est ainsi que l’on a fait avaler les mesures d’austérités, les licenciements de masse, et les aggravations des conditions de travail. Mais très vite on a pu remarquer que ce ne sont que nous qui payons pour la crise. Les capitalistes et les managers ont vu leurs impôts baisser et ont pu encaisser de juteux profits. Avec comme résultat que les banquiers et les managers ont parmi les salariés actuellement l’image de jules. La 1:12 a réussi à exprimer cette colère et à la canaliser de manière à refléter et démontrer clairement les frontières entre la majorité des salariés et la minorité patronale. La JS a réussi à questionner publiquement la logique de l’économie du marché. Elle a fait un premier pas en direction de la construction d’une  contre-hégémonie s’enracinant dans les contradictions sociales. La question se pose alors : comment faut-il maintenant embrayer sur ce premier pas et pousser davantage la conscience ainsi créée.

Quand est-ce qu’une initiative nous est-elle utile ?
Certains de la JS réfléchissent à un nouveau projet d’initiative nationale. Ils ne voient pas d’autres moyens pour mener une politique nationale et pensent pouvoir ainsi accrocher aisément au succès de la 1:12. Il est cependant plus que douteux qu’on arrive à avoir le même effet avec une nouvelle initiative qu’avec la 1:12.

Entre autres grâce à la 1:12, la JS a réussi à doubler son nombre d’adhérents, de 1’500 à 3’000. Elle est ainsi devenue la plus grande, la plus active, et la plus connue des jeunesses de parti de Suisse. Nous avons réussi à être beaucoup plus visible que ce que notre nombre initial de militants nous permettait d’être. C’est grâce à cela que nous avons pu diffuser largement nos idées parmi les masses et trouver des alliés dans la lutte pour le socialisme. Mais peu après, un nouveau projet a été lancé qui n’a de loin pas eu d’effets semblables. L’initiative contre la spéculation sur les denrées alimentaires n’a pas eu une résonance significative parce qu’elle ne découle nullement des problèmes sociaux les plus urgents des salariés suisses. Cette initiative lambda n’augmente pas l’état de conscience des salariés, elle a en fait même du retard sur leur niveau de conscience. Un symptôme supplémentaire qui explique le succès fort limité de cette initiative est la résonance faible qu’elle a même parmi les militants JS. Contrairement à la 1:12 qui a réussi à figurer comme catalyseur puissant pour la construction de la JS, l’initiative contre la spéculation sur les denrées alimentaires n’a ni provoqué des discussions internes, ni attiré des nouvelles couches de jeunes à la JS.

Une initiative, mis à part son contenu politique, use toujours les forces vives d’une organisation. Il ne s’agit alors pas de répondre à la question de savoir si le lancement d’une nouvelle initiative est fondamentalement quelque chose de bien, ou de mauvais. Il faut plutôt savoir quand, et avec quel contenu, il convient d’en lancer une. Ce n’est pas une question de principe mais bien plus une question de tactique. Ce n’est qu’en comprenant cela que nous pourrons utiliser efficacement cet instrument. Une initiative nous sert comme outil pour populariser nos idées et à ainsi mobiliser la jeunesse dans ce pays. Elle peut représenter un premier pas dans l’organisation de la jeunesse au sein de nos rangs, c’est-à-dire au sein des rangs du socialisme. Mais il ne s’agit que d’un premier pas. Une telle mobilisation et organisation autour d’un sujet doit aussi être consolidée sur le long terme. Autrement, ça ne reste qu’une construction à court terme et éphémère des forces de gauche autour d’une question particulière. C’est pour cette raison que la JS a besoin d’un programme qui traite les questions sociales les plus urgentes de notre temps et qui formule des revendications socialistes en partant de ces problèmes. C’est ainsi que nous pouvons construire une conscience qui démontre des alternatives à l’hégémonie bourgeoise.

Construction de la JS
Pour atteindre le socialisme, il nous faut une organisation forte qui sait ce qu’elle veut et comment on l’atteint. Il nous faut alors engager toutes nos ressources, toutes nos forces dans la réalisation de ce but. Une construction conséquente de la JS est la seule manière de réellement devenir une menace pour la bourgeoisie. Des initiatives et des votations comme la 1:12 y concourent. Mais tout aussi important est l’agitation politique dans les sphères qui nous entourent quotidiennement. Que ça soit dans sur le lieu de travail, à l’école, au sein de l’université, dans le quartier ou le village, ou bien que ça soit à la commission du personnel, dans les maisons de quartiers, dans les associations d’étudiants ou les groupes de migrants, c’est en leur sein que la politique se fait quotidiennement. C’est là que nous devons être présents et nous organiser. Nous voulons continuer à construire ces espaces politiques avec nos revendications.
Un élément crucial dans l’organisation de la jeunesse est la construction et l’intégration des jeunesses syndicales dans notre parti. Les syndicats sont actuellement le point de focalisation principal de la lutte des classes en Suisse. Ceci fait de la collaboration avec les syndicats un impératif immédiat. Les revendications et les campagnes autour des intérêts immédiats des apprentis et des jeunes salariés forment aujourd’hui l’enjeu central pour la construction de notre parti. C’est ainsi que des élèves et étudiants sont orientés politiquement et préparés à la lutte syndicale. En même temps, la lutte syndicale est ainsi rattachée intimement à la lutte pour le socialisme.

La JS participe à l'organisation de la grève des étudiants et enseignants à LucerneAccroître la conscience
Il est clair qu’expliquer à chacun et à chacune nos idées, nos objectifs, et nos méthodes est un travail méticuleux. Une initiative peut servir de catalyseur à ce travail, mais en aucun cas elle ne peut remplacer le travail de construction, sur le long terme, d’une base. Au contraire, ça ne veut de loin pas dire qu’un individu s’intègre dans la lutte pour le socialisme, simplement parce qu’il soutient l’initiative 1:12. Nous devons transmettre les questions sociales essentielles aux sympathisants et nouveaux membres à l’aide d’exposés et de programmes de formation. Il est de notre devoir de les convaincre de la validité du socialisme scientifique et du fait qu’il constitue la seule alternative au système néfaste basé sur la destruction et l’exploitation.
Mais nous devons aussi comprendre dans toute son ampleur ce que cela veut dire qu’être socialiste. Si nous tenons vraiment à notre objectif, à l’édification d’un nouvel ordre social juste et sans oppression, nous devons avant tout être au clair sur le chemin à prendre. Et il faut y aller jusqu’au bout. Nous devons établir des revendications qui font le lien entre des questions d’actualité politique et des revendications qui vont plus loin. Il faut ainsi formuler des exigences qui créent des passerelles entre une revendication « réaliste » et une revendication qui propose une véritable alternative socialiste.

Comment établir cette passerelle ?
« Socialisme » signifie l’organisation d’une économie démocratiquement planifiée et libéré de la logique du profit, sans la concurrence néfaste du marché. Nous voulons une économie planifiée, mais comment propager celle-la et comment la rendre compréhensible pour les gens ? C’est ici qu’il nous faut des « passerelles » qui nous permettront de partir de la réalité de vie des employés et employées suisses et de la relier avec la logique socialiste. Si le patron justifie nos conditions de travail précaires avec la crise et dit que nous devons tous serrer la ceinture, nous lui demandons de publier les comptes de l’entreprise. Comme ça nous pouvons suivre le chemin des bénéfices que nous créons pour l’entreprise (qui va dans les poches de l’entrepreneur !) et contrôler si l’état de la firme est réellement aussi grave que le patronat veut nous faire croire.
Tu as perdu ton emploi ou tu es menacé de le perdre ? Nous exigeons alors la réduction du temps de travail sans réduction de salaire et la distribution égale du travail entre tous les travailleurs. Le droit au travail et à un salaire qui permette de vivre dignement doit être un droit inaliénable dans n’importe quel système. Sinon le système ne sert pas  la société, mais la société sert uniquement le système et la minorité qui en profite infiniment. Les entreprises se défendent contre de telles mesures et menacent de délocaliser à l’étranger et brandissent la fuite des capitaux ? Nous revendiquons alors la socialisation de leurs capitaux, la nationalisation de leurs entreprises sous contrôle démocratique des employés, des syndicats et de l’État. Si le système n’est pas bénéfique pour nous, pour la majorité des hommes et femmes qui y vivent et travaillent, il est alors de notre devoir de nous le rendre utile. Si, en accomplissant cette tâche, nous continuons à respecter le droit de propriété privée d’une minorité infinie, ce n’est rien d’autre que la capitulation des idées socialistes devant les portes des entreprises.
Il nous faut expliquer que la réalisation de nos revendications, même les plus élémentaires, comme un emploi relativement bien payé, de la transparence dans l’économie et dans la sphère politique, ou encore une vie digne, ne peuvent pas être réalisés par le capitalisme en Suisse ou ailleurs. De même pour l’argument « ce qui profite à l’économie, profite à tous ». Cette logique ne correspond de loin pas à la réalité. Les profits que nous créons par notre travail revient majoritairement aux capitalistes et leurs managers, et ceci, peu importe s’il y a croissance ou crise. Par contre s’il y a crise c’est nous qui devons passer à la caisse – avec la dégradation de nos standards de vie, jusqu’à la limite de l’existence précaire (ainsi en Suisse presque un demi-million de personnes vivent en dessous du minimum vital).

Un antagonisme d’intérêts insurmontable
Il faut partir des réalités de vie de la population suisse. A quoi ressemble-t-elle ? Des taxes et tarifs croissant, un loyer exorbitant, des coûts de transport hors prix, des taxes d’études croissantes. En somme, tout devient plus cher. Et en même temps des coupes budgétaires touchent tous les domaines sociaux : la formation, la santé, l’AVS et AI; et tout ceci se fait sous le mot d’ordre de « la rigueur budgétaire ». Les partis bourgeois défendent cette politique avec l’argument des déficits, réels ou supposés, dans les caisses publiques. Mais nous expliquons qu’il y a assez d’argent, c’est juste qu’il s’empile chez un pour cent de la population. Nous produisons tous ensemble la richesse sociale, mais elle ne profite qu’à une petite poignée de profiteurs. Et après tout cela, ils ont encore l’arrogance de nous accuser de jalousie suite à l’initiative 1 :12 !
Mais nous ne nous laisserons jamais décourager. Cette richesse appartient à nous tous. Nous ne nous laisserons pas encore exploiter davantage pour financer des bonis exorbitants et des villas au Zürichberg (le pendant zurichois de Coligny et de Hermance). Au lieu de cela, nous revendiquons l’annulation immédiate des mesures d’austérité, la gratuité du transport public, des loyers abordables, et une assurance sociale unique qui profite à tout le monde. Nous expliquons aussi comment ces mesures doivent être financées : abolition de toutes les baisses d’impôts sur les sociétés des dernières années,  impôt massif et progressif sur les grandes fortunes, sur les grands revenus, sur l’héritage et sur toutes les transactions financières. Ces mesures augmenteront considérablement les recettes publiques. Ceux qui se sont enrichis pendant longtemps sans aucune scrupule sur les richesses produites par la société doivent enfin être forcés à passer à la caisse.

Ici il devient évident que nous ne présentons pas seulement des belles idées. Nous établissons une nette distinction entre les possédants et les 99 % qui restent et qui se font toujours spolier. Eux, les riches, ils ont leurs intérêts concrets et matériels, nous avons les nôtres. Entre celles-ci règne une contradiction insurmontable que nous appelons l’antagonisme entre les intérêts de classes. Luttons alors maintenant dans les mouvements naissants de manifestations et grèves. Faisons progresser nos revendications et expliquons que les mesures d’austérité doivent être combattues par principe. De ce fait, les contestations ne doivent pas uniquement viser ces mesures, mais autant les privilèges des profiteurs. Ceci est le pas déterminant qui nous permet de nous positionner en tant que classe contre le 1 %, et de définir notre unité à travers nos intérêts communs qui sont opposés aux leurs. Ainsi nous édifions une contre-hégémonie concrète.

Qui pense à la justice sociale en Suisse devrait d’abord penser à nous. Avec l’initiative 1:12 nous avons pu voir quel potentiel réside dans la population suisse et surtout dans la jeunesse. Il faut maintenant tirer pleinement partie de ce potentiel et faire avancer cette conscience pour la cause socialiste. Nous devons apprendre à reprendre toutes les formes de protestation dans ce pays, les encourager et enfin les guider. Toute forme de résistance doit être intégrée dans la logique socialiste. C’est ainsi que nous gagnerons la confiance de la majorité. La résistance à tous les niveaux, c’est ça la Jeunesse Socialiste.

Olivia Eschmann
Comité JS Bâle Ville