Avec 17 millions de manifestants dans les rues, le 30 juin dernier, l’Egypte a connu la plus grande manifestation de son histoire. Les manifestants n’en pouvaient plus d’un re?gime qui n’e?tait que la continuation de l’e?re Moubarak, mais avec un nouveau visage. Quelques jours plus tard, Morsi e?tait destitue? par l’arme?e, qui a choisi de le sacrifier pour conserver son emprise sur l’e?conomie et l’appareil d’Etat.

 

Des milliers de petites secousses sociales avaient parseme? l’Egypte avant le grand se?isme du 30 juin. Ainsi, les cinq mois pre?ce?dents ont vu se de?rouler plus de 5 000 manifestations dans tout le pays, dont l’immense majorite? pour des questions e?conomiques et sociales. Une des revendicationsprincipalesbrandiesdurantces mouvements e?tait une plus grande justice salariale. La contestation sociale plonge ses racines bien avant la re?volution. En 2005, de?ja?, une vague de gre?ves avait commence?, connaissant un pic en 2008. La re?volution de janvier 2011 a acce?le?re? le phe?nome?ne et a donne? naissance a? la premie?re centrale syndicale autonome du pays, qui compte a? ce jour deux millions d’adhe?rents. Par ailleurs, l’arme?e et la po- lice elles-me?mes cachent mal leurs divisions : lors des manifestations du 30 juin, de nombreux policiers, soldats et officiers ont rejoint les rangs des manifestants.

En Tunisie, l’assassinat du de?pute? Mo- hamed Brahmi, le 25 juillet dernier, a donne? lieu a? 48 heures de gre?ve ge?ne?rale de?cre?te?e par l’UGTT. Le mouve- ment a e?te? tre?s suivi. Quatre jours plus tard, l’assassinat de huit soldats par des e?le?ments salafistes, a? l’inte?rieur du pays, a suscite? une immense cole?re au sein de la population, qui s’est mobilise?e en masse devant le sie?ge de l’Assemble?e Nationale Constituante, demandant la chute du gouvernement et la dissolution de l’Assemble?e.

Comme en Egypte, la lutte des classes s’intensifie en Tunisie, puisque pre?s de 30 000 conflits sociaux ont e?clate? au sein des entreprises et des administra- tions depuis le de?but de la re?volution. Les travailleurs tunisiens demandent des emplois stables et bien re?mune?re?s, des con- ventions sociales, des retraites de?centes, des minima sociaux et une couverture maladie universelle pour les cho?meurs. Les victoires ont e?te? nombreuses dans ce domaine puisque de multiples accords d’augmentations de salaire ont e?te? signe?s, depuis, chez les travailleurs de la fonction publique et du secteur prive?. Il faut dire que la contestation sociale couvait depuis de nombreuses anne?es. En 2008, de?ja?, le bassin minier de Redeyef avait connu une grande vague de mobilisations suite a? des re?sultats truque?s lors d’un concours d’entre?e dans l’entreprise publique exploitant l’extraction du phosphate.

PERSPECTIVES

En Egypte, les couches supe?rieures de l’arme?e sont derrie?re le pouvoir en place. Ceci a permis a? l’ancien pre?sident Moubarak d’e?tre libe?re? sous conditionnelle, en attendant son proce?s ou? il comparai?tra libre. Quant aux Fre?res Musulmans, ils essaient de por- ter le conflit sur le terrain religieux en s’attaquant a? la minorite? copte. En Tu- nisie, les manifestations pour la chute du gouvernement et la dissolution de l’Assemble?e se poursuivent avec une participation ine?gale. Ennahdha tente de reprendre l’avantage en esquissant des gestes d’ouverture vers l’opposition et en se de?marquant, dans le discours, de la mouvance salafiste.

Comme nous l’avions de?ja? explique?, les re?volutions arabes ne sont pas un proces- sus en fin de course. La situation e?cono- mique et sociale des pays de la re?gion et la crise mondiale du capitalisme occasi- onneront de nouveaux soubresauts. Il y aura encore des soule?vements, des irruptions fracassantes des masses dans l’are?ne politique. Il y aura aussi des reflux, de la fatigue, de la lassitude parmi la popula- tion, qui donneront lieu a? de nouveaux reculs. Ces reculs, cependant, ne seront que les pre?ludes de mobilisations encore plus fortes. En l’absence d’un parti re?vo- lutionnaire de masse capable de mener rapidement les travailleurs a? la victoire, leprocessusre?volutionnaireaurane?cessairement un caracte?re prolonge? et chaotique. Ce parti, les e?le?ments les plus re?volutionnaires de la jeunesse et de la classe ouvrie?re en Egypte et en Tunisie doivent le construire, cou?te que cou?te.

Surtout, les comite?s citoyens qui se sont forme?s en Egypte et en Tunisie doivent se coordonner sur le plan local, re?gional et national en vue de renverser ces gouvernements corrompus et e?tablir, a? la place, des Etats ouvriers et de?mocratiques.

R.B.
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