Dans les sports de masses, les scandales de corruption deviennent de plus en plus habituels, surtout dans le foot. Cela se passe-t-il seulement à l’échelle des joeurs et des paris ou dans un cadre plus large?


Le foot est un sport qui devrait connecter les gens. Il devrait surmonter des bornes sociales, géographiques et culturelles et rassembler des gens de toutes les races. Mais un ulcère prend ses aises, qui ne rend pas que le foot malade, mais qui amène des conséquences qui sont de longue portée; la FIFA, la Fédération Internationale de Football Association, avec leur siège à Zurich, qui est devenu le fossoyeur du sport et de plus en plus aussi de vies humaines.  Car c’est ce qui arrive quand le sport devient un business, quand le foot n’est plus central mais que le profit l’emporte?

La corruption ouverte

Chaque année les reproches envers la FIFA deviennent plus concrets et plus divers; des scandales de paris, la corruption, des rapports autocratiques et le copinage. Les Messieurs arrogants, qui souvent connaissent le foot seulement de leur salon de VIP, trônent sur la montagne à Zurich et regardent sur le peuple, qui le laisse faire leurs activités criminelles. Mais de plus en plus fortes sont les revendications pour des rapports démocratiques au sein de la fédération de sport la plus grande du monde. Pour combien de temps est-ce qu’elle peut encore s’opposer?

En 2010 le public apprenait que deux membres du comité responsable de la détermination du lieu de la coupe du monde, avaient acceptés des sommes (plusieurs millions) de deux journalistes d’un journal britannique pour que les USA soient les organisateurs de la coupe du monde 2022. Il semblait alors que la corruption avait atteint un tel niveau que la FIFA ne pouvait plus s’en sortir sans faire de réformes à l’interne. Même Sepp Blatter, le Président et depuis 16 ans le grand Patron millionnaire de la FIFA  a été blâmé d’être impliqué dans plusieurs affaires, et notamment par Franz Beckenbauer la légende du foot allemand et ancien membre du comité exécutif de la FIFA. Blatter l’accusait en retour d’avoir payé des sommes énormes pour que la coupe du monde ait eu lieu en Allemagne en 2006. Et Michel Platini, le célébré numéro 10 français, qui rêve de supplanter Sepp Blatter au poste de président de la FIFA lors des élections en 2015, a du admettre qu’il votait pour le Qatar. Tout cela après que son fils, Lauren ait reçu un poste dans le conglomérat Qatar Sport Investment (QSI). Chacun de ces messieurs aurait évidemment aimé culpabiliser l’autre sans nul doute, mais l’erreur est systémique ; l’organisation n’est qu’une farce et ne sert qu’à accroître l’argent des dirigeants.

Organiser une coupe du monde est un projet d’envergure qui coûte des milliards, mais les profits sont bien plus importants. C’est la cause principale pour laquelle tellement de pays, ou d’ailleurs plutôt leurs représentants essayent avec tant d’efforts d’attirer la coupe. Mais n’en sont pas les bénéficiaires ni les travailleurs, ni les saisonniers ou les travailleurs étrangers, mais les sponsors, les sheikhs et tous ceux qui dirigent de tels projets. C’est à cause de cela que les „démocraties“ s’intéressent de moins en moins à l’organisation des événements sportifs de masses, mais les états autoritaires s’arrachent pour ceux. Tous ces faits jouent dans les mains de grandes associations. Le secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke, admettait publiquement que „moins de démocratie“ facilite l’organisation d’une coupe du monde, surtout lorsqu’un Chef d’Etat fort est au pouvoir, comme Vladimir Putin. Car là où un petit nombre de gens prend les décisions et gagne beaucoup d’argent, les obstacles humains sont faciles à ignorer.

Les aristocrates du foot se donnent la main et ceux qui travaillent avec la FIFA souvent pratiquent des commerces sales eux-mêmes. Prenons comme exemple les entreprises de marketing, qui concluent de grands contrats avec la FIFA:

Après un scandale de corruption d’un ancien partenaire qui avait payé CHF138 millions de pots-de-vin aux divers fonctionnaires, c’est aujourd’hui l’INFRONT Sports GMBH qui, depuis 2007, possède et commercialise les médias de tous les grands tournois de la FIFA dans le marché asiatique, y compris la coupe du monde 2010 et celle du 2014. Elle gagne 600 millions d’Euros par an, tient son siège à Zoug et le CEO n’est autre que le neveu du Président, Philip Blatter. Le copinage est sans limites, la corruption omniprésente.

En même temps la FIFA s’oppose publiquement à toute nouvelle loi qui puisse les mettre sous contrôle plus étroit ou limiterait la corruption.

Les deux exemples suivants des préparations à la coupe du monde au Brésil l’année prochaine et au Qatar en 2022 montrent bien les influences qu’ont cette absence des scrupules et cette avidité.

Brésil : Les gains non taxés à la FIFA – les coûts aux gens

En juin de cette année, un an avant le début de la coupe du monde, le Brésil a déjà été l’hôte de la Coupe des Confédérations, le véritable tournoi d’essai avant la vraie coupe. En même temps, tout comme dans d’autres parties du monde, le Brésil a vu des émeutes et manifestations énormes. Les tensions sociales en étaient les fondements, mais des autres facteurs ont déclenché ces protestations massives. Cela a commencé par la construction des stades, pour lesquels d’innombrables êtres humains ont du s’installer ailleurs et même des autochtones ont été déplacés. Pour que les sponsors cupides fassent ériger des stades immenses, desquels ils pourront, en buvant du champagne, regarder quelques matchs en juin 2014 et qui vont être oubliés 2 ans plus tard, mais pour lesquels le peuple va devoir payer les frais de maintenance. L’événement décisif était la hausse des coûts de la vie, surtout des prix du transport public. Cette hausse, en termes du pourcentage, n’était pas si grande, mais assez tout de même pour fâcher le peuple brésilien, déjà énervé par ses propres politiciens. 100’000 personnes étaient dans les rues à Rio, plusieurs centaines de milliers à travers tout le pays.

Les partisans de la coupe disent que l’argent reviendra et produira des profits pour l’économie nationale. Mais l’expérience montre que les coûts sont payés par le peuple. C’est lui qui sera taxé pour ce projet babylonien. Et l’argent qui sera versé ne va certainement pas lui bénéficier.

 Beaucoup des brésiliens disent que les sommes énormes qui sont dépensées, pourraient déjà aujourd’hui être mieux utilisés dans les écoles, les universités et les hôpitaux qui ont des besoins plus urgents. Ils ont peur d’une liquidation totale, comme avec le stade légendaire „Maracanã“, reconstruit grâce aux impôts. Mais, après la coupe, l’ancienne „arène du peuple“ va être donnée à un consortium, dont un des plus riches hommes du brésil fait partie. En conséquence, les nouveaux propriétaires profiteront et ceux qui gagnent moins ne pourront plus se payer les prix d’entrées plus élevés. Le foot, anciennement égalitaire, devient une question de classes.

Qatar : L’esclavage moderne

Une situation un peu différente se présente chez le hôte du tournoi en 2022 : le Qatar. Des 1,7 millions d’habitants de ce pays, seulement 200’000 sont qataris. Le reste des habitants du pays le plus riche du monde, sont pour la plupart des travailleurs étrangers des différentes parties du monde, notamment de l’Asie du sud, des philippines et d’Afrique de l’est. La question du moment est si pour la première fois, une coupe doit prendre place durant l’été de l’hémisphère du Sud, car les coûts écologiques seraient immenses pour le refroidissement des stades qui serait nécessaire. Cela ce montre bien que ce n’était pas vraiment le pays, mais l’argent qui a „reçu“ cette coupe qui va couter environ 70 milliards de francs.

Des problèmes beaucoup plus graves se posent à propos des conditions de travail et de vie. Les nouvelles sur des victimes d’accidents, même des morts, se multiplient. Rien que dans l’année 2013 déjà 44 personnes d’origine népalaise et 82 personnes d’origine indienne sont mortes. Ces personnes sont mortes dans un délai de deux mois suite à des dérogations aux directives de la sécurité du travail sur des sites de construction. La Confédération syndicale internationale a constaté dans une estimation que, d’ici 2022, jusqu’à 4’000 travailleurs risquent encore de mourir, si les entreprises responsables continuent à ignorer les directives.

Non seulement le travail d’un ouvrier étranger est très dangereux, mais les conditions de vie ont une ressemblance incontestable avec le servage. Heures supplémentaires comprises, ils gagnent 950 Qatar Real, ce qui équivaut à moins de 200 Euros par mois. Leur journée officiellement dure de 6 jusqu’à 16 heures, mais leur bus part déjà deux heures avant et les dépose plusieurs heures après la fin de la journée sur le site. S’ils ratent le bus, 3 jours du salaire te sont prélevés. Il ne leur reste ni argent ni temps pour vivre. Les gens qui travaillent là-bas, ne sont plus considérés en tant que personnes, elles appartiennent à l’entreprise pour laquelle elles travaillent. Le système s’appelle „Kafala“ et est une sorte de cautionnement. Le garant, souvent l’employeur, encaisse le passeport du travailleur et pour le temps du contrat il est dans une sorte de relation de dépendance, si ce n’est esclavagiste. Les travailleurs doivent s’unir et lutter ensemble, car personne d’autre ne les aide.

La coupe de la mondialisation?

Comment est-il possible qu’un tel pays, avec de telles conditions et qui est si loin du foot dans tous les sens du terme, reçoive le droit d’organiser l’un des plus grands événements sportifs du monde? De tels événements méritent-ils que l’on s’approprie l’existence des gens et que l’on risque leurs vies, comme on l’a déjà vu en Afrique du Sud ? N’y a-t-il pas d’autres possibilités de célébrer/pratiquer ce sport ?

Une coupe du monde de foot ne peut pas devenir un événement universel, qui s’organise partout de la même manière. Chaque région à ses propriétés et celles-ci doivent être prises en compte dans la planification. Cela ne doit pas devenir un rencontre élitaire, donc les prix des tickets doivent être financièrement accessibles pour que tout le monde puisse y prendre part, y compris la population locale. L’espace public doit être mis à disposition pour diffuser les jeux. Le financement ne doit pas être fait par le pays-hôte et sa population, mais par l’organisation elle-même. Le profit ne doit pas être possible, car sinon toutes les autres valeurs, le sport lui-même, perdent leur importance. Mais pour que cela soit possible, il faut d’abord un changement au sein de ce système.

 

Kevin Wolf

JS Genève