Le 1er octobre, le shutdown (la fermeture) de plusieurs administrations et services fédéraux a placé le gouvernement américain au bord de la faillite pendant 16 jours, jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé au niveau du Sénat et de la Chambre des représentants sur le vote du budget de l’Etat. Sans accord, le Département du Trésor américain aurait été à court de crédits et aurait été obligé de choisir à quelles dépenses publiques renoncer. Par exemple, les contrôles de santé et les prestations aux anciens combattants auraient cessé.

Depuis le mois de mars, les démocrates (majoritaires au Sénat) et les républicains (majoritaires à la Chambre des représentants) se sont affrontés sur le vote du budget 2014 qui devait s’appliquer au 1er octobre. Ce dernier prévoit de réduire le déficit de 1800 milliards de dollars sur 10 ans, sur un montant historique de 16 700 milliards, qui s’accroit d’environ 1000 milliards chaque année. Les deux tiers de ces économies viendront de coupes budgétaires et un tiers de nouveaux impôts. Les républicains sont partisans de coupes plus importantes dans les dépenses – et s’opposent à de nouveaux impôts. Ils ont alors fait pression en s’attaquant à la réforme de la santé d’Obama, surnommée « Obamacare », en refusant de voter le budget.

Pendant le shutdown, ce sont près de 800 000 fonctionnaires jugés « non essentiels » qui ont été mis à pied. Un million d’autres ont travaillé sans être payés. 400 parcs nationaux ont été fermés. Encore plus grave, des services comme la FDA, qui contrôle les médicaments et la sécurité alimentaire nationale, la FEMA (l’agence de gestion d’urgence des crises) ou encore les garde-côtes ont été partiellement mis hors service, alors que la Floride était menacée par une tempête tropicale. Même la SEC, le gendarme de la bourse américaine, fonctionnait avec seulement 6 % de ses effectifs.

Avec le shutdown, les défenseurs de l’austérité comptaient discréditer un large éventail de services et de programmes gouvernementaux « non essentiels », de leur point de vue. Car si le pays peut « fonctionner » malgré ces 15 jours de fermeture, ils pensent que cela justifie des coupes drastiques à venir dans les services concernés ! En outre, des centaines de milliers de travailleurs sont organisés dans de puissants syndicats du secteur public, et ces syndicats sont la cible prioritaire des capitalistes.

Division de la classe dirigeante

Ce que cette crise nous montre, c’est une polarisation entre les partis démocrate et républicain, mais aussi au sein de ces deux partis. Elle est le reflet de la polarisation entre les différentes ailes de la classe dirigeante américaine. Leurs différences ne portent pas sur l’opportunité ou non de défendre le capitalisme, bien sûr, ni même sur l’opportunité d’imposer l’austérité, mais sur la meilleure façon de le faire sans provoquer des troubles sociaux de masse qui pourraient menacer la domination des capitalistes. Historiquement, la classe capitaliste a besoin à la fois d’une botte gauche et d’une botte droite, passant de l’une à l’autre selon les circonstances. Toutefois, étant donné la profondeur de la crise du capitalisme, les choses ne sont plus aussi simples que par le passé.

Sans fin en vue, la crise devient dangereusement hors de contrôle. L’économie américaine menace de s’écraser la tête la première contre le « mur fiscal », dont le plafond vient d’être relevé pour sortir provisoirement de la crise qui a conduit au shutdown. Cet épisode a ébranlé les marchés et a approfondi la crise de confiance dans l’économie américaine et dans son système politique. Ce à quoi nous assistons n’est pas le cirque « normal » de la démocratie capitaliste américaine. Cette crise marque une nouvelle étape dans la crise profonde du capitalisme américain lui-même.

Hubert Prévaud
PCF Toulouse