Vendredi 20.03 à 15h, le Conseil fédéral a annoncé un nouveau paquet de mesures de lutte contre la propagation du coronavirus. À la surprise générale, le confinement complet n’a pas été prononcé. On voit maintenant encore plus clairement la position du Conseil fédéral : maintenir l’économie en marche, au coût de la santé des travailleurs.

Les premières mesures annoncées ont été les mesures sanitaires, par le conseiller Berset. En substance, le Conseil fédéral continue dans sa stratégie : maintenir la production en route coûte que coûte. En effet, la mesure en elle-même est de faire respecter, par la répression, l’interdiction de se réunir dans l’espace public. Ainsi, la police pourra amender les groupes de plus de 5 personnes dans l’espace public. Pourtant, dans un domaine spécifique, les groupes de plus de 5 personnes sans mesure de distanciation sont encore, de facto, autorisés : les entreprises et les chantiers, qui continueront à tourner. 

Le Conseil fédéral n’a pas écouté les appels répétés des travailleurs et a donc renoncé à fermer les usines et chantiers du pays. Berset a annoncé que les cantons pouvaient faire fermer les chantiers qui ne respectent pas les normes de protection sanitaires et que l’inspection du travail ferait des contrôles. Pourtant, nous avons déjà de multiples exemples qui montrent que ces mesures de sécurité ne sont pas respectées. Mercredi dernier déjà, les travailleurs d’un chantier proche de l’aéroport à Genève ont refusé de travailler sans amélioration des conditions d’hygiène. La police est intervenue sur place et n’a fait que rétablir le calme. Elle est ensuite repartie, sans vérifier que les normes sanitaires seraient bien respectées. On peut donc douter que cette même police fasse mieux appliquer le respect de la distanciation sociale. 

Même si cette police intervenait, dans beaucoup d’usines et de chantiers, il est tout simplement impossible de respecter ces mesures sanitaires. Les travailleurs sont côte à côte sur les chaînes de production ou doivent manger à 10 dans une cabane de chantier. 

La vrai mesure que le Conseil fédéral devrait prononcer est la suivante : fermeture des industries non-essentielles et des chantiers. Quelle est l’utilité de terminer un immeuble en ces temps de télétravail ? Quelle est l’utilité de produire des trains dans une période de restriction du trafic ferroviaire ? Les profits des capitalistes ne méritent pas de mettre en danger la santé des travailleurs qui fabriquent pour eux. 

Faire respecter les conditions actuelles de confinement de manière ultra-stricte n’aura qu’un effet très limité sur la courbe de propagation. Les vrais points de contaminations, actuellement, sont les lieux de travail et non pas les parcs et les rues !

L’économie, elle, est aux soins intensifs

En deuxième partie de la conférence de presse, les conseillers fédéraux Maurer et Parmelin ont annoncé les mesures de soutien pour l’économie. Ici, la retenue de Berset sur les mesures sanitaires a laissé place à toutes les extravagances des dépenses de soutien à l’économie. Le Conseil fédéral a, en tout, annoncé une dépense de plus de 32 milliards de francs pour soutenir l’économie, les soutiens à la culture et au sport se limitant, eux, à 400 millions de francs. 

De plus, les entreprises “en difficulté” pourront retarder le versement des cotisations sociales et recourir au chômage partiel plus facilement. Ce chômage partiel étant financé en grande partie par les travailleurs, il minimise les coûts salariaux pour les capitalistes et leur permet donc de sauvegarder leurs profits. 

La stratégie reste, en substance, la même ici aussi. On voit donc que le paquet de mesures concernant l’économie, donc la sauvegarde des profits des capitalistes, est beaucoup plus ambitieux que celui des mesures sanitaires. On peut d’ailleurs s’étonner que, dans une conférence consacrée à une épidémie, plus de la moitié du temps de parole soit dévolue à l’économie. Le gouvernement montre ici clairement son camp : l’argent de l’État est là pour soutenir les profits des capitalistes. 

On peut remarquer aussi que la réponse du gouvernement suisse ne fait pas exception dans le monde. Partout, les États ont rapidement commencé à pomper de l’argent en masse dans l’économie pour maintenir les entreprises à flot. Les travailleurs font déjà les frais du ralentissement économique : en Suisse, déjà 400’000 demandes de chômage partiel ont été déposées (au 26.03), en une semaine de confinement ! Les capitalistes essaient de faire payer la crise aux travailleurs. Face à cela, nous disons : pas de cadeaux aux capitalistes, les entreprises clés, comme les banques, doivent être nationalisées et contrôlées par les ouvriers qui y travaillent pour pouvoir continuer à verser un salaire à tous les travailleurs, confinés ou non. De cette manière, nous pourrons aussi financer un plan de production d’urgence des biens nécessaires pour combattre le virus (principalement des respirateurs). 

Le système de santé : le grand oublié de la conférence

On peut aussi s’étonner du fait que le Conseil fédéral n’ait traité à aucun moment de la question de la capacité du système de santé. La question s’est limitée au fait que le gouvernement essaye “autant que possible” d’acheter des tests et du matériel médical. Depuis, le Conseil fédéral s’attelle à détruire le régime de protection des travailleurs de la santé : plus de limite maximum d’heure de travail, obligation de travailler même avec des “symptômes faibles”. 

Pourtant, nous savons tous bien que le système de santé, même avec un respect scrupuleux des mesures sanitaires, ne pourra pas absorber tous les malades du coronavirus. Il est urgent d’augmenter les capacités des hôpitaux en lits, en particulier de soins intensifs et de système d’assistance respiratoire. Sans cela, nous verrons les mêmes scènes qu’en Italie et les médecins devront choisir qui survit et qui meurt. 

Mais augmenter les capacités du système de santé implique un prix élevé. Un prix que le gouvernement n’est pas prêt à payer. En effet, le système de santé pèse sur les profits des capitalistes. Augmenter la capacité des hôpitaux, c’est devoir ensuite les entretenir et donc taxer plus fortement les profits. Les capitalistes réclament la réduction du système de santé en temps normal, ils ne changeront pas d’avis pendant l’épidémie. D’autant plus qu’eux n’en ont pas besoin, les cliniques privées de luxe sont là pour les soigner. De cette manière, il est inconcevable pour le gouvernement de même imaginer investir massivement l’argent de l’État dans la santé. Il traite donc la capacité des hôpitaux comme une donnée quasiment invariable. La réalité est la suivante : nous pouvons augmenter rapidement la capacité des hôpitaux. Il nous faut d’urgence un investissement massif dans le système de santé !

Cette conférence de presse met en lumière quelque chose que nous savions tous au fond : notre santé n’est pas la première préoccupation du gouvernement dans cette crise. Par conséquent, il prendra seulement des mesures de protection de la santé subordonnées aux intérêts de l’économie. Nous devons donc le forcer à prendre des vraies mesures complètes et extensives. Défendons-nous ensemble contre les patrons et l’État qui les soutient ! Les actions du Conseil fédéral laisseront des traces dans la conscience de la population. Déjà après une seule semaine de crise, presque 50% des gens considèrent que le Conseil fédéral agit trop lentement ! Les gens se souviendront qui a joué avec leur santé – Conseil fédéral et entreprises. Des luttes ont déjà étées provoquées par cette situation inédite, des luttes qui ne feront que s’intensifier quand la crise s’intensifiera. Il suffit de regarder l’Italie pour voir ce qui pourrait nous attendre. 

Sur ce terrain, l’action sur les chantiers dans le Canton de Genève est une voie à suivre. Les travailleurs des chantiers ont forcé le canton à fermer tous les chantiers en menaçant de faire grève. Imposons le confinement par la grève générale ! On le voit déjà en Italie, les patrons utiliseront tous les moyens possibles pour maintenir la production en route. Plus que jamais, ce sont leurs profits contre notre santé.