[dropcap]L[/dropcap]e 19ème congrès du parti communiste chinois a beaucoup parlé du socialisme mais la réalité est tout autre. La Chine, une économie contrôlée largement par une bureaucratie, fait face à l’anarchie capitaliste. Il en résulte une forte accumulation de capitaux, des inégalités économiques, une pauvreté et précarisation des masses. Il est donc temps d’analyser les contradictions de l’économie chinoise actuelle.

Le capitalisme chinois

La Chine n’a jamais été communiste, ni même socialiste. Après la victoire de l’armée rouge, le pouvoir est passé à une caste bureaucratique qui régnait par le haut. Celle-ci a transformé la Chine en ce qu’on appelle un Etat ouvrier déformé, avec comme modèle l’URSS de Staline. Ce qu’on voit aujourd’hui est qu’une partie de cette élite bureaucratique se transforme en une nouvelle classe capitaliste en devenant propriétaire des moyens de production. Une autre partie maintient le contrôle des entreprises étatiques mais en tire des privilèges économiques pour s’enrichir. Le capitalisme s’est progressivement réinstauré en Chine et s’approprie de plus en plus l’Etat ouvrier dégénéré avec comme moyen principal le parti communiste.

Cette instauration du capitalisme engendre directement l’explosion de l’accumulation de capitaux en mains privées. La Chine compte depuis 2016 plus de milliardaires que les Etats-Unis. 100 de ses 594 milliardaires sont députés au parlement. Les inégalités économiques, quasi inexistantes jusqu’en 1970, sont aujourd’hui plus fortes qu’en Occident. 25% des Chinois possèdent moins qu’1% de la richesse du pays. En même temps, on observe aussi beaucoup de différences avec nos sociétés capitalistes, par exemple concernant la réglementation des marchés ou la propriété privée des terres. Pourtant, malgré ces différences, la réinstauration du capitalisme a également apporté toutes les contradictions de celui-là en Chine.

La surproduction

Le grand problème structurel de la Chine est la surproduction. La Chine est une économie planifiée avec un fort contrôle de l’économie par la bureaucratie. Mais en même temps l’économie produit pour le marché et donc de manière anarchique. La planification économique se base principalement sur le plan quinquennal qui définit la croissance économique souhaitée, les secteurs à développer et les buts économiques à atteindre. Un rôle central est joué les entreprise étatiques qui sont sous contrôle direct de la bureaucratie. La planification ne se focalise pas sur les besoins de la population locale mais produit pour le marché, ce qui veut dire produire le maximum possible et arrêter la production seulement si elle n’est plus rentable.

La croissance économique de la Chine a massivement attiré des investissements privés. La production industrielle en Chine est si massive que le marché interne ne peut pas absorber toutes les marchandises. Ceci accentue la concurrence entre les producteurs, qu’ils soient privés ou publics, et tire les prix vers le bas. Cette situation met les producteurs en situation financière difficile mais les pousse surtout à exploiter davantage les travailleurs-euses, la nature et à chercher des ressources toujours moins chères. La bureaucratie ne veut pas couper la production parce que cela causerait un ralentissement de l’économie. Une chose qu’elle ne peut pas se permettre à ce moment, car cela se traduirait en faillites, en licenciements et en une escalade de la lutte de classe.

La crise économique mondiale de 2008

Le rôle de l’économie chinoise pendant la crise de 2008 était crucial. L’ouverture du marché interne et la croissance de la demande des consommateurs chinois a sauvé le capitalisme mondial, en faisant monter la croissance économique mondiale et en amortissant la crise. Depuis, la Chine est devenue la locomotive économique du capitalisme. Plus de la moitié de la croissance mondiale après 2008 vient d’elle. Aujourd’hui c’est encore 35%. Selon le Financial Times, une baisse de 1% de la croissance chinoise aurait pour conséquence une baisse de 0.4% de l’économie mondiale. En plus, depuis l’élection de Trump et l’insécurité qui en résulte, le capitalisme mondial a de plus en plus besoin d’une Chine forte.

En même temps, les contradictions du capitalisme s’accroissent en Chine. Pour surmonter la crise de surproduction, l’élite bureaucratique chinoise utilise deux stratégies principalement. D’une part, elle a injecté massivement de l’argent public dans l’économie pour la stimuler et créer de la croissance économique. Ses stimulations prennent la forme d’emprunts des banques publiques à des entreprises publiques. Cela fait exploser la dette, qui est déjà très haute. Selon la banque des règlements internationaux (BRI), la dette chinoise privée et publique s’élève en 2016 à 250% de son PIB, plus que la Grèce ou les Etats-Unis.

Jusqu’à maintenant, la bureaucratie a pu encore contrôler la surproduction, l’endettement et des crises financières (en 2015/2016) mais il est certain que l’instabilité économique fondamentale de la Chine, la contradiction entre économie planifiée et une économie du marché, va produire à moyen terme une crise. Et à cause du rôle important de la Chine dans l’économie mondiale, cette crise va déclencher une dépression mondiale.

L’impasse du capitalisme chinois

La réinstauration du capitalisme en Chine n’a pas seulement comme conséquence une forte croissance économique, mais aussi une explosion du chômage,  une augmentation des coûts de niveau de vie (surtout du logement et de la nourriture) et un environnement de plus en plus pollué. Le caractère répressif et totalitaire de l’Etat chinois permet de momentanément balayer les antagonismes sous le tapis. Vu qu’aucune action collective n’est légale en Chine, l’Etat a pu réprimer par la force une partie des luttes de classe. Néanmoins, les derniers 10 ans ont vu une augmentation massive des grèves et mêmes des manifestations.

Le China Labour Bulletin, une NGO basé à Hongkong, a compté 2663 grèves en Chine pendant l’année 2016, mais croit que le vrai chiffre est huit fois plus grand. Comparé à 2014, il a doublé. Pour la première fois, il y avait plus de grèves dans le secteur du transport, du service et de vente au détail que dans l’industrie. La presse occidentale écrit souvent que cela est dû à un changement politique du gouvernement vers un modèle plus libéral mais, en réalité, le gouvernement arrive de moins en moins à contrôler la colère malgré la forte répression.

Maurice Huber
ASEMA Genève