10 ans se sont passés depuis le « krach » et la bourgeoisie lutte encore pour sortir de la crise. Comment la bourgeoisie essaie-t-elle de surmonter des crises ? Quel est le rôle des crédits et comment véritablement lutter contre l’émergence des crises ? Deuxième partie d’extraits tirés de l’article sur la crise organique.

Dans la première partie nous avons vu que les contradictions au sein du mode de production capitaliste mènent à la surproduction et à la suraccumulation. Cette tendance à la suraccumulation devient de plus en plus générale, affectant des parties de plus en plus importantes de l’économie dans son ensemble. Les pays industrialisés et l’économie mondiale étaient entrés dans une telle crise généralisée dans la phase de la crise pétrolière de 1973. L’issue de cette crise est la clé pour comprendre la situation actuelle. Parce que « la crise actuelle trouve son origine dans les mesures prises pour surmonter la crise dans les années 1970 », comme nous le rappelle David Harvey.[1]

Après que cette crise n’a pu être résolue par des mesures keynésiennes, la bourgeoisie a lancé une attaque « néolibérale » dès le début des années 1980 qui suivait une logique simple : « rétablir le taux de profit avec tous les moyens disponibles ».[2] Les mesures de la classe dominante pour ce faire peuvent être divisées en quatre catégories : 1. Destruction du pouvoir du mouvement ouvrier et des syndicats (réduction mondiale des salaires et des prestations sociales, intensification du travail, en même temps que des réductions d’impôts pour les entreprises), 2. privatisation de l’ancien secteur public, 3. ouverture par la force de nouveaux marchés et libéralisation du commerce mondial (« mondialisation »), 4. dérégulation des marchés financiers et endettement par le crédit.

Néanmoins, même si toutes ces mesures brutales de la phase néolibérale ont rétabli les taux de profit des capitalistes aux dépens des salariés, elles n’ont jamais réussi à résoudre le problème de la suraccumulation.

Le rôle du crédit

En conséquence du manque de possibilités d’investissement dans l’économie « réelle », une part de plus en plus importante du capital a été investie dans les secteurs improductifs de l’économie financière, ainsi que dans les secteurs de l’immobilier et des assurances : un développement que les États ont par ailleurs encouragé par la dérégulation des marchés financiers. Cependant, sans créer de plus-value, le profit y est au contraire réalisé par la spéculation, ce qui conduit nécessairement à la formation de bulles qui doivent, tôt ou tard, éclater.

Parallèlement, une méthode importante pour maintenir l’économie en croissance malgré la suraccumulation a été l’énorme expansion du système de crédit et donc, comme conséquence, de la dette publique et privée. Comme Marx l’a déjà constaté, le système de crédit offre la possibilité d’étendre la consommation au-delà des limites du marché. Ainsi, la crise est retardée, mais seulement au prix d’éclater encore plus fort à un moment plus tard. Par l’octroi de crédits bon marché et risqués, notamment dans le secteur immobilier, on a créé artificiellement une demande. De cette manière, il a été possible de continuer à produire, à construire et à acheter à crédit.

Nous connaissons le résultat de ce développement. Au cours de l’été 2007, la bulle immobilière américaine a éclaté et a entraîné l’industrie financière, les banques et finalement l’économie mondiale. Cependant, le fait que la bulle spéculative a déclenché la crise ne peut dissimuler le fait que les raisons de la crise résident dans l’économie réelle : nous nous trouvons dans une crise mondiale de surproduction.

La crise organique

Les forces productives ont été développées à un niveau si haut que le capitalisme atteint ses propres limites. En conséquence, cette crise structurelle globale a atteint aujourd’hui tous les niveaux : économique, financier, social, politique, idéologique, diplomatique, militaire et culturel. Les contradictions sociales éclatent maintenant ouvertement dans tous les domaines, les différents phénomènes de crise s’entrecroisent et se renforcent mutuellement dans une crise organique.

L’idéologie néolibérale qui maintenait la société unie dans une certaine mesure avant la crise de 2007/8 et réduisait presque au silence les résistances, perd de plus en plus sa crédibilité à mesure que le niveau de vie baisse et que l’insécurité augmente. Les masses ne se voient plus représentées dans l’ « establishment politique » et cherchent une nouvelle expression politique. L’État réapparaît ouvertement comme violence répressive partout où les salariés et les opprimés ravagés par la crise se défendent. Les États-nations redeviennent de plus en plus importants et entrent en contradiction les uns avec les autres. En même temps, le développement du capitalisme et sa nécessaire impulsion à l’expansion impérialiste n’ont jamais poussé autant de gens à émigrer depuis la Seconde Guerre mondiale, ont exacerbé la crise écologique, ont alimenté le fondamentalisme religieux et donc encouragé la barbarie et le déclin culturel.

La nécessité du socialisme

Les représentants de la société capitaliste bourgeoise n’ont pas nécessairement de réponses à tous ces phénomènes morbides, à toutes ces manifestations de la crise, car c’est leur propre dynamique qui a produit ces crises en premier lieu : c’est la crise de la société capitaliste elle-même. Nous sommes dans une phase de transition où l’ancien ordre a perdu son caractère progressiste et est en train de mourir, alors que le nouveau ne peut pas naître. Cela ne veut pas dire que le système est en crise finale et que le capitalisme s’effondrera tout seul. Cela veut dire, en revanche, que la classe dirigeante n’a d’autre choix que de maintenir son pouvoir avec des méthodes de plus en plus extrêmes et autoritaires. L’ajustement global des salaires à la baisse et la tyrannie basée sur l’appareil policier et militaire sont déjà de plus en plus expérimentés par les salariés du monde entier. Il est clair que nous, les salariés et les opprimés, devons payer la crise avec toujours plus une incertitude et une misère croissante.

Ce que la gauche actuelle a oublié, ce que le marxisme a toujours su, c’est que le socialisme n’est pas simplement une idée à côté des autres attitudes politiques. Le socialisme est une nécessitépour les salariés et les opprimés : c’est le seul moyen de sortir de l’assujettissement croissant et de la barbarie du capital. Nous organiser et lutter pour vaincre le capitalisme est la tâche difficile de notre génération. Une tâche merveilleuse pourtant, car nous jouerons un rôle historique et déciderons du sort de l’humanité.

 

[1]David Harvey, Kapitalismuskritik – die urbanen Wurzeln der Finanzkrise, den antikapitalistischen Übergang organisieren, VSA, 2012, s. 63.

[2]Josef Falkinger, „Jenseits von Hayek und Keynes: Eine marxistische Interpretation der wirtschaftlichen Entwicklung seit 1945“, http://www.derfunke.de/index.php/rubriken/wirtschaft/558-jenseits-von-hayek-und-keyneseine-marxistische-interpretation-der-wirtschaftlichen-entwicklung