26 femmes ont été assassinées en 2021. 42% des femmes ont vécu de la violence domestique. En Suisse aussi, les femmes sont manifestement toujours considérées comme la propriété des hommes. Qui sont nos alliés dans la lutte pour notre liberté ?

« En Suisse, une femme est tuée toutes les deux semaines par son mari, son compagnon, son ex-partenaire, son frère ou son fils ». (stopfemizid.ch) Au moment d’écrire cet article, 26 femmes ont été assassinées en Suisse, en 2021. Les féminicides sont la pire expression de la violence envers les femmes. Selon le centre de recherche Sotomo, 42% des femmes en Suisse ont survécu à la violence domestique.

Dans le capitalisme, la vie humaine n’a aucune valeur. En particulier celle des femmes. Il en va de même en Suisse. Malgré la gigantesque grève des femmes, qui a montré que nous en avions assez, la situation se détériore également en Suisse. Les inégalités salariales augmentent, l’âge de la retraite des femmes est attaqué par la bourgeoisie, aucun investissement n’est fait dans les foyers pour femmes, même si l’on sait qu’ils sont chroniquement sous-financés. La classe dirigeante suisse ne se contente pas de ne rien faire, elle crée par sa politique des conditions qui aggravent la situation des femmes.

Tu m’appartiens

Rentrer seule chez soi la nuit est dangereux pour une femme. Mais le pire, c’est sa propre famille, en particulier son propre partenaire. Selon l’Office fédéral de la statistique, 54% des tueurs de femmes sont leur propre partenaire, 19% leur père et 17% leur ex-partenaire. La phase suivant une séparation est considérée comme particulièrement dangereuse pour une femme. Compte tenu de l’image bourgeoise dominante de la famille et des rôles, ce n’est guère surprenant. La femme est considérée comme faible et doit être protégée. Le revers de la médaille est le contrôle et la possessivité. Cette idéologie est entretenue par Hollywood, l’industrie musicale et bien d’autres choses encore. L’expression « tu m’appartiens » et la violence « passionnée » sont romantisées. C’est un processus d’apprentissage difficile par lequel les femmes doivent passer pour comprendre qu’il n’existe pas de forme romantique de violence. Les signes de contrôle et d’agressivité chez un partenaire ne s’améliorent pas, mais s’aggravent. Contrairement à ce qui est présenté dans les romans, les hommes ne peuvent pas être changés par l’amour d’une femme.

Ce bombardement idéologique a toutefois un fondement réel. A savoir la société de classes, aujourd’hui sous la forme du capitalisme. L’oppression de la femme n’est pas apparue avec le capitalisme, mais elle a été déterminée historiquement. Avec l’apparition de la propriété privée, la femme est devenue la propriété de son mari. Cela était nécessaire pour garantir que les hommes des classes possédantes pouvaient être sûrs d’identifier leurs héritiers. Aujourd’hui, l’oppression de la femme s’exprime d’une manière capitaliste. Notre classe dirigeante possédante, les capitalistes, doit également enchaîner la femme à l’homme. Les femmes sont doublement asservies, d’une part en tant que main-d’œuvre bon marché, d’autre part en tant qu’esclave domestique au sein de la famille. Et elles peuvent servir de tampon sur lequel la frustration est évacuée en premier.

Seuls les capitalistes en profitent

Les capitalistes ont beau se peindre en violet, ils sont les seuls à profiter de l’oppression des femmes et à la maintenir. Ils le font en imposant des mesures d’austérité, des baisses de salaire, etc. en créant des conditions de vie qui permettent à la violence de prospérer. L’activiste mexicaine Maria Salgueiro, qui lutte depuis des décennies contre les féminicides au Mexique, constate par exemple que les auteurs de ces actes sont généralement des hommes au chômage ou occupant des emplois précaires. Les décennies d’attaques contre les conditions de travail des ouvriers au Mexique ont entraîné une pauvreté extrême, voire une désintégration sociale. Les femmes et les enfants sont particulièrement touchés par cette situation. Au Mexique, dix femmes sont tuées chaque jour.

Parallèlement, le travail à temps partiel, l’inégalité salariale et les professions féminines mal payées font que les femmes rencontrent encore plus d’obstacles pour pouvoir fuir un partenaire violent. Le refus des bourgeois de développer les maisons d’accueil pour femmes, d’augmenter les salaires des femmes et de garantir la gratuité de la garde des enfants rend la fuite impossible. Nous devons regarder la dure réalité en face : tant que nous n’aurons pas détruit la base matérielle de l’oppression, nous resterons opprimées. Cela signifie que nous devons renverser le capitalisme. Car l’oppression des femmes est profondément liée au capitalisme.

Faux amis

Pour renverser le capitalisme, nous devons comprendre qui sont nos alliés. Dans les milieux de gauche, on veut lutter contre les féminicides en appelant l’État à augmenter le nombre de foyers pour femmes. Même si nous sommes favorables à cela, nous devons clairement critiquer les illusions en l’État. L’État bourgeois n’est pas notre ami. Il est notre ennemi ! La pratique montre que les appels sont inaudibles, que les problèmes sont connus et que rien n’est fait, car une vie meilleure pour les femmes n’est tout simplement pas rentable. En fin de compte, l’État bourgeois est le principal outil des capitalistes pour maintenir leur domination. Les seuls capables de renverser le capitalisme sont les travailleurs. Ce sont eux qui font tourner toutes les roues du monde, ils ne sont pas intéressés par le profit, ils veulent une belle vie.

Cela ne signifie pas que nous idéalisons la classe ouvrière. Le sexisme prévaut dans la classe ouvrière, nous avons vu que plus les conditions de travail sont précaires, pire c’est pour la femme. Mais le sexisme est l’idéologie de la classe dirigeante, des capitalistes. Les ouvriers n’ont aucun intérêt, aucune nécessité matérielle d’asservir la femme. Ils n’ont pas de biens à transmettre pour conserver leur pouvoir social et n’ont donc aucune raison d’asservir la femme. Le sexisme divise la classe ouvrière en deux parties, selon la devise diviser pour mieux régner, elle est ainsi la matière première de l’exploitation. Si les conditions de travail des femmes se détériorent, l’étape suivante consiste à attaquer le reste de la classe. Nous le verrons avec l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes. L’âge de la retraite des femmes à 65 ans sera suivi de l’âge de la retraite à 67 ans pour tous. Le sexisme nuit au mouvement ouvrier. Et seule la classe ouvrière est capable de surmonter toutes les formes d’oppression. C’est pourquoi l’une des tâches les plus importantes pour nous, révolutionnaires, est de lutter contre le sexisme au sein du mouvement ouvrier.

Guerrières du mouvement ouvrier

Nous entendons régulièrement dire que faire grève est masculin et que le mouvement ouvrier n’a pas de place pour les femmes. C’est un mensonge nuisible. Nous sommes des travailleuses et le mouvement ouvrier nous appartient autant qu’aux hommes. Nous sommes les plus durement exploitées et c’est aussi ce qui fait de nous les guerrières les plus féroces. Dans chaque processus révolutionnaire, nous voyons comment les femmes sont en première ligne et comment les préjugés sexistes commencent à se dissoudre. Nous devons éliminer les circonstances matérielles qui engendrent la violence. Notre lutte contre les préjugés qui divisent est une condition préalable à cela. Car seule la classe ouvrière unie peut construire la société socialiste. Une société dans laquelle la propriété privée n’existe plus, et donc où  l’idée de posséder un être humain est impossible. Nous pourrons alors enfin découvrir ce que signifie aimer sans courir le risque d’être emprisonné ou même tué.