[dropcap]L[/dropcap]’abandon par les Etats-Unis de l’Accord de Paris met plus que jamais en avant les questions écologiques. Une analyse marxiste est nécessaire : cette décision met en évidence à la fois la crise du capitalisme et l’incapacité du système à résoudre les problèmes écologiques.

L’accord de Paris est sur toutes les lèvres, l’administration Trump a décidé le retrait des Etats-Unis d’Amérique de l’accord de Paris. Tout d’abord qu’est-ce que cet accord et que prévoit-il ? Il faut savoir que c’est le premier accord universel sur le climat et il est entré en vigueur en novembre 2016. Il prévoit, entre autres, de diminuer le réchauffement climatique de 2 degrés Celsius pour revenir aux températures préindustrielles et de diminuer les investissements dans les énergies fossiles. Pourtant, cet accord a déjà été vivement critiqué par des militant-e-s écologistes comme Paul Watson de l’ONG Sea Shephard : « L’accord de la COP21 ne va rien résoudre, ce ne sont que des mots sur le papier. Ils se mettent toujours d’accord, mais il n’y a pas d’action concrète. Le plus décevant, c’est que les océans ne sont même pas cités, ni les dommages de l’agro-industrie, et ne parlons pas des transports. Cet accord est juste un conte de fée. »

En effet, l’Accord de Paris n’est qu’un accord minimum sans contraintes politiques. Il n’inclut pas d’engagements contraignants en termes de législation ou de financement (et encore moins de pénalités !). Au-delà des proclamations solennelles, tout est laissé à la bonne volonté des gouvernements. Encore une autre impasse, comme pour toutes les autres conférences sur le climat depuis 1992. Mais, l’accord a quand-même eu un certain impact. Il a préparé le chemin pour quelques mesures – certes, insuffisantes – dans différents pays destinées à encourager la réduction des émissions polluantes.

Maintenant, il semble que l’ensemble des médias bourgeois ainsi que certaines couches de militant-e-s de gauche et écologistes cherchent à expliquer le retrait états-unien de l’Accord de Paris par l’irrationalité et l’immoralisme du gouvernement américain. Ainsi, ils voilent le véritable responsable de crises environnementales : le système capitaliste pourrissant.

Le protectionnisme états-unien

Le capitalisme soumet tous les Etats à une concurrence réciproque impardonnable. Ainsi, chaque gouvernement défend son économie nationale et donc les intérêts de sa propre classe capitaliste (entrepreneurs, propriétaires d’entreprises etc.) dans son ensemble. Souvent, les intérêts des différents Etats capitalistes semblent converger, ce qui peut par exemple amener à des accords de libre-échange. Cependant, en temps de crise économique, les profits des différents capitalistes décroissent rapidement. En conséquence, ils ont moins de marge de manœuvre pour d’éventuelles adaptations ou concessions envers les autres acteurs – peu importe s’il s’agit de ses concurrents sur le marché capitaliste, des salarié-e-s ou de l’environnement.

C’est ainsi que l’on doit expliquer la politique trumpiste d’ « America First » et ses mesures protectionnistes. Le protectionnisme est une politique économique visant à protéger l’économie nationale contre la concurrence étrangère. Afin de résoudre les problèmes sociaux et politiques à domicile, il devient très attirant d’essayer d’exporter le chômage à l’étranger.

Le problème est le suivant : la politique protectionniste de Trump ne représente ni les intérêts de la classe capitaliste étatsunienne dans son ensemble, ni les intérêts de la classe capitaliste mondiale. La résiliation de l’Accord de Paris est une des premières expressions flagrantes. D’un côté, une couche importante de la classe capitaliste aux USA cherche visiblement à sortir de l’Accord de Paris : récemment, le quotidien britannique The Guardian a révélé que 22 sénateurs républicains (le parti politique de Trump) ont envoyé une lettre pour lui demander de sortir de l’Accord de Paris. Il faut savoir que ces sénateurs ont reçu chacun de l’industrie du pétrole un financement de 10 millions de dollars pour leurs campagnes. De l’autre côté, d’autres représentant-e-s du capital ont des intérêts opposés : l’aile non conservatrice du parti républicain, le parti “Démocrate” et plusieurs CEO avaient essayé de stopper Trump. Cela est également valable pour les gouvernements européens ayant déclaré que la renégociation de l’Accord de Paris était tout simplement impossible.

Il faut comprendre que les idées de Trump ne sont pas juste sa vision personnelle. Les idées qu’il impose au monde sont celles d’une partie de la classe capitaliste qu’il représente. Comme le disait Ted Grant, le fondateur de la TMI : « la méthode marxiste n’explique pas l’histoire en termes d’individus géniaux ou malfaisants, de coup de têtes ou de personnalités, mais sur la base des classe et des groupes sociaux, de leurs intérêts et de leur interconnections. Il est entièrement inconcevable qu’un homme soit capable d’imposer ses idées à la société toute entière. Marx, il y a longtemps, a expliqué que si une idée, même une idée incorrecte, est mise en avant, gagne du soutien et devient une force dans la vie des gens, c’est qu’elle représente les intérêts d’une partie de la société ». C’est exactement le cas du négationnisme écologique de Trump, ce n’est pas une « lubie » du président étatsunien mais le reflet des intérêts d’une couche de la classe capitaliste.

Au niveau géopolitique, la conclusion que l’on peut en tirer est très intéressante : Ayant été pendant des décennies le garant pour le bon développement du capitalisme mondial, les Etats-Unis sont devenus un facteur fort déstabilisant. Ce développement avait déjà démarré sous Obama avec plusieurs mesures protectionnistes, mais s’est fortement accéléré avec l’arrivée de Trump au pouvoir. La résiliation de l’Accord de Paris prouve encore une fois qu’il est prêt à consciemment mettre en péril certaines institutions bourgeoises qui ne vont pas dans le sens des intérêts de sa propre bourgeoisie.

Mais ici, concentrons-nous sur les aspects écologiques de cet incident. De ce point de vue, la rupture de l’accord par le gouvernement américain est véritablement révélatrice : le capitalisme n’est pas seulement responsable pour les problèmes environnementaux, il est également incapable de les résoudre.

Capitalisme et environnement

Le capitalisme est un système social et économique basé sur la recherche de profit via la production marchande. Autrement dit : Dans le capitalisme, on ne produit pas pour répondre à des besoins, on produit juste pour faire du profit.

Pourtant, le capitalisme se caractérise également par une concurrence impardonnable : le/la capitaliste qui n’est pas assez compétiti-f-ve se fera dévorer par une autre entreprise plus rentable. Afin d’éviter cela, il faut constamment rendre les employés plus productifs, notamment en investissant dans une technologie plus performante. Avec une machine plus efficace, le/la travailleu-r-se peut produire plus de marchandises en moins de temps. Bref, le/la capitaliste pour garantir sa compétitivité et augmenter ses profits doit sans cesse rechercher la technologie la plus productive. Ce sont donc les profits supplémentaires qui sont le motif des capitalistes.

On a vu que dans le capitalisme on produit juste pour produire. La production n’a donc aucune limite. Ainsi, la consommation non plus, ni l’utilisation des ressources, ni la création des déchets, ni la pollution etc. Encore une fois : le capitalisme ne s’oriente pas vers nos besoins, ni vers ceux de la nature.

Capitalisme et technologie

A cela s’ajoute le fait que la compétitivité d’une entreprise capitaliste dépend non seulement du profit lui-même, mais également de la vitesse de ce profit. Autrement dit, plus vite un profit est fait, plus vite il peut être réinvesti pour rendre plus compétitive le/la capitaliste. Conséquemment, le capitalisme et la recherche de profit en particulier se caractérisent par une grande myopie.

Le meilleur exemple est donné par les énergies renouvelables: l’application de celles-ci à grande échelle nécessite d’immenses investissements à long terme. Pourtant, les profits doivent se faire à court terme. La classe dominante ne peut pas se permettre de tels investissements car ils iraient à l’encontre du système même qui leur garantit leur position et leurs privilèges.

Concernant les énergies renouvelables, le capitalisme fait face à encore une autre contradiction majeure. Par définition, une fois que la technologie (solaire, éolienne) est mise en place, l’énergie produite par le soleil et le vent est gratuite. Il n’y aurait donc pas (ou très peu) de possibilités pour les capitalistes de faire des profits. Pour le dire encore plus clairement : la transition vers les énergies renouvelables est impossible sous le régime capitaliste.

Néanmoins, la recherche constante de nouvelles technologies a également mené à ce que l’on appelle le rôle progressiste du capitalisme : elle a permis un développement incroyable des forces productives, c’est-à-dire la création d’une société où les biens nécessaires sont disponibles en abondance. Théoriquement, on serait capable de satisfaire nos besoins de manière beaucoup plus facile. Et cela implique également les besoins de la nature. Mais dans le capitalisme, les êtres humains et la nature ne peuvent que rarement profiter de ces progrès technologiques. Karl Marx le formulait de la manière suivante : « La production capitaliste ne développe la technique et ne contribue au procès social de production qu’en minant simultanément les sources originelles de toute richesse : le sol et le travailleur. »

A cet égard, il est crucial de constater que ce n’est pas la technologie qui cause la dégradation environnementale, mais l’utilisation de la technologie sous le capitalisme, son emploi anarchique et non contrôlé. Nous devons donc commencer à contrôler notre production afin d’orienter notre production vers nos besoins, vers les besoins de la nature.

Mais on ne peut pas contrôler ce qu’on ne possède pas. Et on ne possède pas ce qu’on ne contrôle pas. En conclusion, la question environnementale est fondamentalement une question de classe : Qui contrôle les richesses de la société ?

La nécessité du socialisme

Nous avons vu que ce sont les lois inhérentes au capitalisme qui causent la dégradation environnementale. C’est pourquoi les approches écologistes qui ne remettent pas en cause le marché capitaliste sont illusoires. L’idée de s’attaquer à la dégradation environnementale à l’intérieur du système capitaliste a complètement échoué : une énergie renouvelable est seulement utilisée lorsqu’elle est profitable, une ressource naturelle n’existe qu’à partir du moment où les coûts de l’exploitation sont moins élevés que son prix.

Les représentant-e-s de la classe capitaliste s’opposant au retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris ne sont donc en aucun sens progressistes. Tant le parti Démocrate américain que les gouvernements européens défendent le système capitaliste dans son intégralité. Ils défendent un système de production qui n’est pas censé satisfaire les besoins ni de la population, ni de l’environnement. Chaque gouvernement défend les intérêts de son économie nationale car sa réélection dépend en grande partie de son bon fonctionnement. En plus, les gouvernements ne contrôlent pas non plus l’économie.

Le contrôle démocratique de la production et de la distribution est une condition absolument nécessaire pour démarrer une politique véritablement écologique. A partir de ce moment, nous pourrons utiliser la technologie et la science afin de développer une stratégie pour le changement climatique. La propriété privée des moyens de production et leur emploi à des fins de profit seraient remplacés par la propriété publique dans le service des besoins humains et naturels.

Seul un programme socialiste peut garantir la transition vers des énergies propres et renouvelables. Nous allons expandre l’énergie renouvelable à tout le monde et restaurer les habitats naturels endommagés. Seul le contrôle démocratique sur les investissements, les transports et l’industrie est capable d’établir la base fondamentale pour construire une société dans laquelle l’être humain pourra vivre en harmonie avec la nature. La jeunesse et la classe ouvrière ont besoin d’une terre pour vivre, maintenant et pour les générations futures.

Non à la politique réactionnaire de Trump !
Pas de confiance en les traités capitalistes !
Pour une nationalisation de l’industrie, des transports et des investissements !
Pour la transition vers les énergies renouvelables !
Pour une écologie saine !

Dersu Heri
JS Genève

C.L.
ASEMA