Comme chaque année, la proposition de budget cantonal génère beaucoup de réactions. La nouvelle proposition de budget contient de nouvelles attaques à la fonction publique, cette fois-ci encore plus agressives que les années précédentes.

Une majorité vote pour la grève.
Une majorité vote pour la grève.

Le gouvernement genevois mène depuis des années une politique d’austérité. Les dernières propositions de budget ont porté des mesures d’économies qui ont à chaque fois réussi à s’imposer malgré la résistance des salarié-e-s de la fonction publique et les usager-ère-s. Mais la proposition de cette année est particulière de par son agressivité et par le fait qu’elle s’inscrit de manière plus évidente dans un programme plus général d’ajustements en vue de l’introduction de la nouvelle réforme d’imposition des entreprises III (RIE III) pouvant provoquer des pertes milliardaires pour les recettes publiques.

Le poids de la dette
L’excuse de la dette est très souvent utilisée pour justifier de manière plus ou moins « rationnelle et nécessaire » des coupes d’austérité et des mesures visant à s’attaquer aux services publics et à ses salarié-e-s. L’urgence et la nécessité de prendre des mesures drastiques face à une situation désastreuse donne une certaine « légitimité » aux décisions des autorités. En août dernier, le ministre des finances Serge Dal Busco avait annoncé que les comptes de l’État de Genève allaient afficher un déficit de 200 millions de francs. Mais les comptes sont toujours ce que l’Etat choisit de présenter. Pour les comptes de l’Etat de 2014, le Conseil d’Etat (CE) avait annoncé un excédent de 6 millions. Pourtant il aurait pu être bien plus important, d’autant plus qu’il avait touché 400 millions d’un richissime résident de la commune d’Anières… On se rendit compte plus tard que le CE avait caché des grandes sommes d’argent (200 millions) pour le futur.

L’annonce en août que les comptes pourraient être « déficitaires » préparait le terrain pour mieux faire passer la nouvelle proposition de budget pour l’année 2016. Finalement en septembre, le CE a présenté sa proposition de budget qui est en déficit d’environ 70 millions de francs. Face à cette situation, le Conseil d’État explique qu’il faut prendre des mesures « structurelles » non plus pour simplement contenir les dépenses mais les réduire en s’attaquant en premier aux charges sur le personnel. Ils ont comme objectif principal de réduire de 5 % les charges de personnel sur 3 ans.

Plan de mesures
Pour faire cela, tout un plan de mesures est proposé dont la plupart d’entre-elles touchent directement les conditions de travail des salarié-e-s de la fonction publique : augmentation du temps de travail de 40 à 42 heures, facilitation des procédures de licenciement ou le non-remplacement des départs naturels. Les annuités sont à nouveau annulées comme pour les dernières propositions de budget. L’allocation «?vie chère?» sera supprimée. Il y a donc pas uniquement une augmentation de la pression sur les salarié-e-s mais on pourrait aussi avoir , à terme, des pertes d’emploi à la hauteur de 1500 postes, voire plus. Celles-ci pourraient être importantes dans l’éducation qui regroupe le plus de salarié-e-s dans la fonction publique. Mais le personnel n’est pas le seul touché. Il y aura une baisse de 1 % sur toutes les charges. Le fait que toutes ces mesures soient prévues dans un même plan est particulièrement choquant. Le CE mène ainsi une véritable offensive éclair contre la fonction publique. La réaction des principaux syndicats de la fonction publique – le SSP, SIT et le Cartel Intersyndical – ne se fit pas attendre. Très vite, des communiqués de presse furent publiés dénonçant la « déconstruction contrôlée et systématique de la fonction publique ». Le plan de mesures devrait permettre d’économiser environ 97 millions de francs. Avec une majorité de droite au parlement cantonal, les attaques risquent d’être plus importantes, le PLR-PDC-MCG-UDC souhaitant ramener ce déficit à zéro.

La nouvelle réforme d’imposition des entreprises III (RIE III)
Le CE suit la même politique qu’il a mené ces dernières années vis-à-vis du budget. Il utilise son contrôle sur la dette afin de légitimer ces attaques continues contre les conditions de travail des fonctionnaires et les prestations publiques. Pourtant, ce choix bien clair au profit des plus riches relève en dernière instance de la nécessité d’améliorer la compétitivité des entreprises suisses (en diminuant les impôts) afin de leur proposer une meilleure compétitivité sur le marché international. Ceci est encore plus clair avec la nouvelle réforme d’imposition des entreprises III. Sous l’argument de la pression de l’OCDE et de l’Union Européenne pour un taux unique d’imposition entre les entreprises étrangères et suisses, une campagne généralisée de baisse d’impôts (notamment sur le profit) des entreprises est déclenchée. Bien évidemment, la mise en place de cette réforme aura des conséquences néfastes sur les recettes publiques. Grâce à la concurrence fiscale cantonale, et avant même l’acceptation de la loi au niveau fédéral, les cantons s’empressent à proposer un nouveau taux le plus bas possible. Au canton de Vaud, le Grand Conseil a accepté le projet du CE vaudois qui fixe un taux unique à 13,79 % – 4% en dessous du chiffre que le Conseil Fédéral proposait pour minimiser les pertes. Ceci pourrait engendrer plus de 500 millions de francs de pertes au détriment des prestations publiques. Les autres cantons (Genève y compris) s’orientent donc vers ce nouveauchiffre et les pertes qu’il produirait. La destruction préventive des services publics est entreprise afin de préparer le budget aux futurs cadeaux pour l’actionnariat des grandes entreprises – suisses et étrangères.

La résistance s’organise
L’année passée, on avait assisté à une montée des luttes plus ou moins importante avec la grève victorieuse des TPG et les deux grèves en décembre et janvier de la fonction publique. Un comité avait été mis en place dans le but de rassembler à la fois les syndicats et des associations et de conscientiser et intégrer la population dans la lutte. Bien que la participation aux grèves de la fonction publique ne fût pas aussi importante qu’on aurait pu l’imaginer, des expériences sont toujours nécessaires pour aller de l’avant en tirant des leçons. Le CE se plaint du manque de « dialogue » de la part des syndicats face à sa proposition de budget. Mais pouvons-nous exiger véritablement de dialogue lorsqu’on tient la fonction publique avec la corde au cou ? Dans cette situation, les assemblées du Cartel intersyndical et le SSP ont voté un préavis de grève pour le mardi 10 novembre avec une innovation par rapport à l’année précédente : Cette grève pourrait être reconductible. La grève a ensuite été ratifiée par l’assemblée du personnel qui a rassemblé 650 personnes le mardi 3 novembre.

Dans la dernière grève de la fonction publique en janvier, on avait aussi observé une participation importante de collégien-ne-s et d’étudiant-e-s en école de commerce et culture générale. L’Association des jeunes engagé-e-s (AJE) avait mobilisé contre la réforme du post-obligatoire qui prévoyait des durcissements des conditions d’étude. Dans les réunions de l’AJE de ces dernières semaines, la nouvelle proposition de budget a été au cœur des discussions. On avait notamment essayé de comprendre en quoi est-ce que ce budget allait toucher l’éducation. On était finalement arrivé à la conclusion que les pertes d’emploi et la pression en hausse sur les professeurs pourrait dégrader la qualité des études et qu’il fallait donc combattre ce budget avec la fonction publique. La mobilisation se ferait dans quelques établissements clés (Rousseau, Voltaire, De Saussure ou Henry-Dunant). Aussi, l’AJE s’est doté d’un document stipulant sa vision de l’éducation dans lequel elle revendique notamment plus de représentation étudiante. Une autre nouveauté est la participation des étudiant-e-s de l’Université aux mobilisations. Lors de la dernière assemblée générale de la faîtière des associations d’étudiant-e-s de l’Uni (CUAE), la participation à la grève de la fonction publique fut votée à une forte majorité.

Inscrire la lutte dans la durée
Aujourd’hui les syndicats et les partis de gauche ont rédigé un manifeste contre l’austérité. Ce manifeste, en plus d’inclure la lutte contre la RIE III, parle aussi de la lutte contre le plan de prévoyance vieillesse 2020 du Conseil Fédéral et de la politique migratoire discriminatoire qui divise les travailleurs sur des lignes nationales pour dégrader leurs conditions de travail. Bien sûr, dans la société capitaliste, il n’y a que la lutte qui peut vraiment nous faire avancer. Que les syndicats aient choisi cette voie est donc à saluer. Le parlement cantonal a une majorité bourgeoise, une majorité favorable à l’austérité et à la destruction des services publics. Ce sont les mêmes partis (PLR, PDC et autres) qui ont soutenu les multiples baisses d’impôts dans le passé qui ont fait couler le budget. Ces partis ont comme tâche d’assurer les profits des plus riches, ce qui dans une période de crise du capitalisme est incompatible avec les intérêts de l’immense majorité de la population.

L’argent pour nos écoles et nos hôpitaux existe mais il est dans les poches de la bourgeoisie. Nous devons donc lutter pour mettre entre les mains des salarié-e-s et du peuple ces richesses et les moyens de les produire afin de garantir à chacun et chacune des conditions de travail et de vie décentes. Mais pour pouvoir assurer une victoire à long terme, les salarié-e-s ont besoin d’organisations syndicales fortes et numériquement imposantes. Cette mobilisation est l’occasion de renforcer les troupes syndicales en menant un travail de construction avec les éléments les plus motivés parmi les salarié-e-s de la fonction publique, en l’occurrence les profs. Il en va de même pour les syndicats étudiants.

NON AUX MESURES D’AUSTÉRITÉ DU NOUVEAU BUDGET!
NON AUX CADEAUX FISCAUX AUX PLUS RICHES!
DE L’ARGENT, IL Y EN A DANS LES CAISSES DU PATRONAT!

Bryan Chirinos
JS Genève