[dropcap]L[/dropcap]’entreprise multinationale Monsanto a beaucoup fait parler d’elle ces derniers mois : d’abord par l’autorisation d’Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) par l’Union Européenne (UE), puis avec les négociations de son rachat par la multinationale allemande Bayer durant l’été qui s’est concrétisé le 14 septembre.

Présentation

Monsanto est une compagnie étasunienne spécialisée dans les biotechnologies agricoles. Il s’agit d’un géant fort d’un capital de 66,5 milliards de dollars et qui emploie 21 400 personnes. Ces derniers temps, elle s’est fait connaitre du public en raison de nombreux scandales : scandale de l’agent orange durant la guerre du Vietnam dont elle était l’un des fournisseurs, multiples scandales sur des productions de pesticides et d’OGM. Son dernier scandale en date est l’autorisation qu’elle s’est vue accorder par l’UE de vendre du soja OGM « potentiellement dangereux pour la santé » et capable de résister à un herbicide « potentiellement cancérigène » nommé Glyphosate. Le cynisme de cette phrase résume bien le caractère horrifique de la situation. Cet arrangement fut accordé par l’UE à cause de l’absence de député-e-s européen-ne-s lors du vote. Cela démontre une fois de plus le caractère « fortement démocratique » de l’UE.

Les négociations du rachat de Monsanto par Bayer ont fait revenir la multinationale sur le devant de la scène. L’entreprise allemande Bayer, spécialisée dans l’industrie chimique et pharmaceutique (médicaments et insecticides), est également un géant dans le milieu avec ses 108 000 employé-e-s et son chiffre d’affaire de 31 milliards de dollars. Et bien sûr, tout comme Monsanto, elle est connue pour de nombreux scandales : achat de déportés d’Auschwitz, huile frelatée, contraceptifs dangereux, etc.

Cette fusion est inquiétante comme l’explique le député vert Sven Giegold : « le marché des semences agricoles est déjà extrêmement concentré. Il est vraiment inquiétant de voir que les agriculteurs sont de plus en plus à la merci des semenciers ». (Monsanto a également été à l’origine d’un scandale à ce sujet après avoir développé des graines ne donnant qu’une récolte, obligeant ainsi les cultivateurs à lui racheter annuellement des graines). Par principe, nous ne sommes pas opposés au fait que des recherches scientifiques soient menées dans le but d’améliorer le rendement des semences. Il faut savoir que nous faisons face à une véritable crise alimentaire au niveau mondial. Bien que l’agriculture ait connu un développement sans précédent ces dernières décennies, 1,3 milliard de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année, ce qui correspond à 1/3 des aliments produits sur Terre. Énormément de terres agricoles sont mal utilisées dans les pays en voie de développement, en Afrique notamment. De nombreuses petites exploitations sont sous-exploitées et des brevets sur certaines plantes empêchent leur diffusion. Sans même parler des recherches très concluantes dans l’agriculture durable. En effet, tant que la production est soumise à une logique de profit, nous ferons face à de telles aberrations irrationnelles et nocives.

Comment en sommes-nous arrivé-e-s là ?

La tendance à la monopolisation est un phénomène ancré dans l’ADN du système capitaliste. Les entreprises, au fur et à mesure qu’elles grandissent, finissent toujours par se « manger » entre elles, jusqu’à ce que ne survivent que les plus fortes. Celles-ci acquièrent ensuite de nouvelles parts de marché, devenant ainsi de véritables monopoles. Ce phénomène est très bien décrit par Lénine dans son œuvre L’impérialisme : stade suprême du capitalisme. Ce livre nous explique comment au début du siècle dernier, le capital industriel, qui s’était concentré en entreprises de plus en plus grandes, avait continuellement besoin d’investissements toujours plus importants afin de pouvoir continuer à croître. Cela a amené les banques et fonds d’investissements à placer toujours plus d’argent dans l’industrie et à s’impliquer dans leur gestion, donnant naissance au capital financier (fusion du capital industriel et bancaire). La fusion d’entreprises était facilitée par les banques qui possédaient des capitaux dans plusieurs entreprises et les faisaient ensuite se fusionner entre elles. Ce phénomène est amplifié en périodes de crises durant lesquelles seules les entreprises les plus puissantes survivent tandis que les autres font faillites, ce qui a pour conséquence de diminuer le nombre de concurrents et de concentrer encore plus la production. On peut supposer que ceci est également le cas pour la fusion de Monsanto et de Bayer. Lorsque l’on observe leurs actionnaires, l’on voit que le principal actionnaire de Monsanto et Bayer est The Vanguard Group (fond d’investissement étasunien qui est aussi un actionnaire important dans d’autres grandes firmes comme Exxon ou Apple). The Vanguard Group doit sûrement figurer parmi les acteurs-clés de cette fusion. L’actionnariat de ces entreprises est un véritable cas d’école pour les marxistes puisque l’on voit clairement que leurs principaux actionnaires sont des banques et des fonds d’investissements.

La concentration des moyens de production n’est en soi pas une mauvaise chose. En effet, les puissants groupements industriels apportent un pouvoir productif et scientifique colossal, certes utilisé d’une manière irrationnelle de nos jours, mais qui pourrait, sous une planification démocratique et un contrôle des travailleurs-euses, être une source d’amélioration de la condition humaine s’il était utilisé dans une logique d’amélioration des conditions de vie des usagers-ères, des produits et des conditions de travail.

Principaux actionnaires de Monsanto (source : www.zonebourse.com) :

Nom Actions %
The Vanguard Group, Inc. 30 430 570 6,95%
SSgA Funds Management, Inc. 18 515 966 4,23%
BlackRock Fund Advisors 17 148 690 3,92%

Principaux actionnaires de Bayer (source : www.zonebourse.com) :

Nom Actions %
The Vanguard Group, Inc. 17 050 388 2,06%
Massachusetts Financial Services Co. 14 840 348 1,79%
Lyxor International Asset Management SAS 14 168 997 1,71%

Comment lutter contre les monopoles ?

Quelques actions ont récemment eu lieu contre Monsanto : une grande manifestation le samedi 21 mai 2016 en France ainsi qu’en Suisse où elle a réuni 4000 personnes au total (3000 à Bâle et 1200 à Morges). Certes, les grandes manifestations sont importantes, elles permettent de mobiliser des gens et de faire quelque peu pression suivant la dimension. Cependant, toutes ces actions ont une portée très limitée et n’ont eu que peu d’impact ces dernières années, malgré leur répétition. Afin d’avoir un véritable effet, les actions/manifestations doivent se joindre à la lutte des salarié-e-s qui sont les seul-e-s à être en possession du pouvoir d’arrêter la production. Par ailleurs, le discours dans les manifestations anti-Monsanto reste majoritairement très moraliste. On se limite à mener une campagne afin de réduire la consommation d’OGM ou d’exiger une régulation des activités des multinationales de ce type pour les rendre plus « humaines » et « responsables ». Car ce qui pousse une entreprise à produire, ce ne sont pas des considérations éthiques mais bien le besoin de profit.

Afin d’aller de l’avant, il est nécessaire de reprendre le contrôle de la production. Par conséquent, nous devons exiger, sous le contrôle public et ouvrier, une expropriation de ces grands groupes. Par contrôle public, nous entendons que la population soit informée des activités des entreprises et puisse avoir son mot à dire. Ceci est indispensable afin de mieux connaître les véritables risques de la production et consommation d’OGM par exemple. Par contrôle ouvrier, nous entendons que ce sont les travailleurs-euses eux/elles-mêmes qui gèrent la production à travers des comités d’entreprises.

Conclusion

Le cas de Monsanto est très caractéristique du système capitaliste. Seule une étude profonde sur bases scientifiques nous permet de comprendre l’origine de son pouvoir et de comment le combattre. L’anarchie de la production capitaliste et la recherche folle du profit ne sont plus capables de répondre aux besoins de l’humanité, il s’agit même d’une menace à notre survie. Seule la lutte pour le socialisme permettra de mettre fin à la dictature des multinationales et pourra répondre aux besoins des gens.